« A l'instant que
vous serez capable de sentir battre en vous le cœur de l'univers, en celui de
chaque brin d'herbe, en celui de chaque souffle du vent, en celui de chaque
être humain et en celui de toute chose... vous serez capable en cet instant de
l'inimaginable : donner tout ce que vous avez et atteindre le bonheur absolu. »
Dédicace : Pour Hatsu et Laulau, en souvenir de
nos « jeux tsubistes », qui m'ont tant appris sans
que je ne m'en rende compte...
Entre
Rapière et Sabre
By Lord Ma-koto Chaoying
France. Jardin d'une maison.
« Apprenez le japonais ».
Le temps d'un murmure. Et pourtant, ce fut les
seules paroles que je n'entendis jamais de lui, les seules qu'il prononça pour
que je les comprisse.
Le temps d'un éclair, et il avait disparu comme
pour ne reparaître avant longtemps, très longtemps.
Le jeune français frappa de ses talons les dalles
de pierre, mais ce n'était pas pour danser le flamenco, comme au temps de
jadis. Car le bruit qui s'éleva du sol refléta l'amertume d'une musique dure,
et lui, en artiste qu'il était, avait toujours aimé les chansons tendres et
fières qui s'élevaient de la terre. Mais aujourd'hui, il se sentait amer.
Est-ce que toutes les fibres de la terre n'ont pas quelque chose de sacré qui
vit en chaque cœur ?
Me voilà bien. Je ne comprendrai jamais ces
asiatiques. Pendant une éternité que vous essayez de les connaître, ils vont,
visage fermé, aller et venir autour de vous. Puis un jour, malédiction, vous
vous apercevez que vous vous êtes attaché à eux, et qu'ils s'en vont à présent
ailleurs. Et qu'est-ce qu'il vous dit en guise de cadeau d'adieu ?
« Apprenez le japonais. »
Cette fois, Raphaël frappa directement de sa main
le pilier froid, dont le coin alla ouvrir la chair dans un jaillissement de
sang. Une grimace contracta son visage, et l'espace d'un instant, ses yeux d'un
azur pur rencontrèrent en pensée le contact d'une main qui avait effleuré la
sienne, en y admirant l'artiste qu'elle reflétait en lui. Une belle main... une
main d'artiste. Celle de l'autre était au contraire plus imposante, comme toute
sa personne, mais elle avait quelque chose de si tendre lorsqu'elle avait
effleuré la sienne...
Un sabre solitaire rencontre toujours une rapière
solitaire...
L'espace d'un instant, le ciel froid et pur de ses
yeux devinrent un mer mouvante d'émotion, qui s'éleva
des entrailles de la terre pour communier en secret avec le Secret du monde.
La fleur qui meurt s'éclôt toujours dans Source
de la vie !
Les larmes et les rires naissent de la plus
profonde misère
Et de l'arc-en-ciel,
Reflet de la profonde soif d'Eternité,
Et d'une Fleur à
jamais éclose.
Quêtant, je sais à présent que mon besoin,
Est en vérité ce qui devient le pont menant au
Nirvana.
Et dans l'arc-en-ciel, je prononce le nom de
victoire sans crainte
En dessinant l'Amour par toutes les couleurs de
ce monde.
Donner et recevoir l'énergie de la Terre,
En parfaite harmonie avec l'Univers...
Tout...
Je t'entends dans mon âme qui médite...
Je sais que tu es là... je le pressens. Mais...
mais pourquoi...
« Apprenez le japonais... »
Raphaël se frappa la tête contre le mur. (Ouille !
Ça fait mal !!)
Bon, résumons les choses à la dissertation
française. Introduction : moi, Raphaël Sorel, l'élite des nobles français, fais
la rencontre d'un soi-disant samouraï japonais, qui part pour reprendre son
combat, après une relation si surprenante entre nous. La problématique se
posant est « Comment et pourquoi... CE GARS M'A DIT, EN GUISE D'ADIEU,
D'APPRENDRE A PARLER JAPONAIS ?!! »
A ce souvenir, Raphaël voulut se frapper la tête
contre le pilier, avant de rappeler un autre souvenir, qui était le fait que ça
faisait mal à la tête quand elle cognait sur un mur. Et, mur ou pilier, c'était
un peu près la même chose...
« Apprenez le japonais... »
L'imbécile. L'idiot. Le demeuré. Ah, ces asiatiques
!!!
Dans l'exaspération, le jeune homme fit un
mouvement irréfléchi, et un choc sourd résonna sur le mur, tandis qu'une
douleur lancinante attaqua son crâne presque au même moment. Ah, non, encore le
coup de la tête contre le mur ! Jamais deux sans trois, comme
on dit. Il faut que croire que les Français n'apprennent jamais...
Qu'imaginiez-vous que j'allais avoir comme pensée
? Quelque chose de mièvre, du genre : « Toi qui erras si mystérieusement autour
de ma maison, toi à qui les fibres de ma vie s'attachèrent plus fort que je ne
l'eusse jamais pensé, pourquoi partis-tu avec ce regard tourmenté loin de moi,
emportant ton secret si mystérieusement lié à mon cœur ? Tu avais commencé à
nous le révéler, avec moi, et sans même que je ne puisse goûter pleinement au
mystère de ma propre existence, tu es parti ? » L'ennui, c'est que j'aimerais
l'avouer sans honte, que la mièvrerie de cette pensée me traverse.
A présent, le jeune et fier français ne s'empêcha
plus de soupirer ouvertement, tandis que le vent le consolait en secret.
Pleurer n'était pas son fort, loin de là, mais parfois... parfois, tout
était... trop. Simplement trop.
Et voilà, à cause de toi, voilà que je... je... tu
m'énerveras jusqu'au bout !!
Je souffre de savoir que, dans ma solitude, je ne
trouve plus ce quelque chose qui, en toi, moi, et le monde, me faisait aimer la
vie. Je souffre d'être confronté à mon indifférence d'avant, et maintenant
tellement plus, puisque j'ai vécu et désiré quelque chose de magnifiquement
intense dans mon cœur. Et – pourquoi ne pas le dire ? – je souffre de savoir
que tu dois souffrir.
« Apprenez le japonais. »
L'imbécile. L'idiot. Le demeuré.
Pourquoi... pourquoi ne m'as-tu pas plutôt dit ton
nom ?
------
Plus tard. Jardin de la maison.
Il n'avait pas pu se résoudre à aller dormir, ni
même à s'occuper. On n'offense pas les souvenirs qui naissent et vivent, telles
des arches célestes qui vous emmènent de la terre au ciel et du ciel à la
terre, dans un arc-en-ciel de révélation.
Non, on ne pouvait pas les détruire... jamais...
Parce que...
N'eusses-tu que la plus noire face à montrer au
monde,
Comme le cœur de l'objet qui ne puit
resplendir, comme l'arbre qui ne puit offrir ses fruits, et l'homme sa dignité,
Cela ne montrerait pas que ton champ est
indigne et stérile ;
Car de toutes les plaines ravagées demeure le
puissant secret de la terre,
D'où toutes les fleurs naissent de toutes les
morts...
Il suffirait simplement de se lier à ce Centre
de l'Univers,
Cœur et reflet des êtres et des choses
Pour prononcer le nom de victoire sans crainte.
Car le simple cadeau d'un brin d'herbe qui
renaît d'une terre brûlée,
Comme une touche de vie offerte à un être dans
la misère,
Est un reflet de la Victoire sans crainte.
Le reflet,
D'un lien tissé avec la vie et la mort en le Centre
de tout,
De toutes les fleurs et les arbres sur la terre
brûlée et renaissante,
Et du Secret de la dignité humaine au Cœur de
l'Univers.
Non, on ne tuait pas les pensées, ni les êtres, ni
les choses !! Sinon, c'était la fin de soi. Comment pourrait-on vivre ? Et
dire... dire qu'il a fallu que tu entres dans ma vie, et que tu partes aussi
soudainement, pour que je le réalise...
...dans des larmes trop secrètes.
Mais enfin, qu'est-ce qu'il t'arrive,
Raphaël Sorel ?! Arrête un peu la niaiserie !! Et puis, pendant qu'on y est,
arrête de penser à un certain samouraï... pfff. Et
pourquoi pas dire à l'eau d'arrêter de couler ou au feu d'arrêter de brûler,
pendant qu'on y est.
Un pas résonna légèrement sous le vent. Le jeune
Français tourna légèrement la tête, l'air plus calme. Il sourit à la petite
fille qui s'avançait, avec une confiance touchante, vers lui.
"Amy, vous êtes-vous restaurée convenablement
? Avez-vous bien mangé ?"
"Tonton Raphou,
c'est toi qui n'as rien mangé."
"Je n'ai pas faim."
"Tu arrêtes pas de me faire la morale sur ces
trucs que tu ne fais pas toi-même ! Tu es un vilain garçon, tonton Raphou !"
"Cela est tout à fait exact."
"Méééé !! C'est pas juste !! C'est trop facile de répondre ça. Tu es
un vilain tricheur, tonton Raphou !"
"Je n'ai pas dit le contraire."
"Mais, tonton Raphou...
qu'est-ce que tu as à la main ?! Tu saignes ?! Tu t'es fait mal !! Il faut te
soigner !!"
"Je vais le faire."
"Tout de suite !!"
"................. Soupir"
"Allez, tonton Raphou
!! Sinon..."
"OUI !!! J'AI COMPRIS, J'Y VAIS !!"
Un sourire étira les traits de la jeune fille. Et
un point. Trop facile.
------
Au même moment, ailleurs...
Emplacement dominant la Maison. Porte du
Jardin.
L'aube est devenu crépuscule.
C'est l'heure, où les êtres méditent sur leur
existence, où les guerriers reviennent au bercail.
C'est l'heure où il est revenu.
Porteur de sabre, il est maintenant devenu pareil
à la lame qui retrouve son fourreau protecteur, après le combat. Libre... mais
uni, pourtant. Toujours... deux par deux, et chacun de son côté.
Ecoutant la Voie de l'Union,
S'attachant soi à soi, et soi à l'Univers
La parcelle de sa fibre et le rayon de son âme
S'attachent à soi.
Au mouvement de la terre et du ciel,
Au monde entier dans l'immense univers.
Prenons et recevons la victoire de chaque
instant,
Secret en soi, éternel en le monde.
Tandis qu'en son cœur,
La fibre chevaleresque, ascétique, tendre et
amoureuse
Retourne, petit à petit, à travers les
millénaires du fruit mûrissant,
A la porte de sa propre sagesse,
Par l'Unité qui transcende de merveille notre
être – avec lui.
Il avance. Il est là.
Il est le Samouraï sans maître.
Non, à présent, il n'a plus qu'un maître, qu'il
sert avec fierté : Amour. Il ne servira plus jamais les hommes qui veulent sa
lame pour détruire. Il servira ce qui ne détruit et n'offense pas le monde. Lui
qui a tant souffert au contact des champs de batailles vivant en le monde et en
lui-même, il a décidé qu'il reviendrait accomplir cette mission, dont il aurait
dû comprendre qu'elle était celle pour laquelle il était né.
Le ciel brille, et une lumière qui naît devant
lui, indique à son âme qu'il est sur le bon chemin. C'est le Maître Esprit qui
guide les personnes dans leur quête spirituelle, qui doit lui parler.
Concentrez-vous sur un point unique,
Où toutes les forces de la Terre et du Ciel, de
votre être et de vos opposants,
Atteignent le summum du combat, épanouissant la
Fleur de votre Âme
Où votre lame et votre souffle épouseront la
perfection dans l'invincibilité,
Ensemble.
La difficulté comme l'aisance sont le reflet
Du grand accomplissement de mon être,
Et des choses
Sur mon chemin.
Arrivé en ce point, dans la patience des
millénaires qui passent,
Je suis à présent prêt à me faire l'écho du
Divin,
L'Echo alors vibrant en chaque être et chaque chose,
Du nom d'Amour.
Mais parfois, c'est par un homme que passe
l'enseignement et le miracle de l'Amour. Par un homme...
Le soleil illumina une forme humaine, au loin ; et
dans le cœur du samouraï sans maître humain, quelque chose d'autre que la
chevelure d'or d'un Français brilla en son cœur. A cette distance même, il
sentit étinceler l'émotion du jeune escrimeur de la terre jusqu'à lui, alors
que ce dernier ne l'avait pas même encore aperçu.
Qu'est-ce que c'est que...
Vous... vous êtes en train de...
Brusquement, le cœur du sabreur se serra, et la
lumière du crépuscule fit miroiter des ombres sur ses mâchoires soudainement
serrées.
Quoi ?!
J'ai tant parcouru les champs de bataille à la
recherche d'une victoire sans larmes amères, et vous, vous qui n'avez jamais
pleuré, il faut que vous en versiez pour mon combat ?!! Tout ne serait-il que
vain et cruel en ce monde, si vous, qui m'avez plus qu'aidé à comprendre
ma vie et mon propre combat, vous en fussiez la victime ?!
Que suis-je alors, sinon... un assassin ?!
Un samouraï ne peut pas être un assassin !!
Soudain, l'homme se sentit furieux, et triste.
Peut-être encore plus triste que furieux. Être parti aussi loin pour trouver la
voie juste, pour... pour trouver à son retour l'erreur qu'il avait voulu fuir,
sans s'en apercevoir. Partir avait été nécessaire, mais... mais pourquoi
fallait-il que ce fût à ce prix ?! Pourquoi ?!
Ses yeux sombres comme la nuit se fermèrent, comme
tentant de retrouver ses propres souvenirs, comme attendant d'eux qu'ils le
mènent de nouveau à ce qu'il cherchait depuis la nuit des temps...
Quêtant de toutes ses forces,
Misant la dernière parcelle de notre corps et
esprit,
L'âme découvre le sens d'être
Dans la fleur de son être
Qui croît avec l'Univers.
Fleur qui combat dans la force de la terre,
S'attachant à l'ultime force qui la porte en le
monde.
Jusqu'à son cœur... Fleur du Centre.
Ombre et lumière,
Subtile mouvance du Yin et du Yang, entre vide
et éclatante forme,
L'être habite la puissance du tonnerre et la
tendresse de l'aube,
En chaque chose qui vient ;
Ami de son cœur et de son centre
Alors qu'il entend les larmes d'un Paysage
entier.
Des larmes...
J'ai entendu vos larmes, Raphaël Sorel. Ni vous ni
moi n'aimons être faibles, mais pourtant, j'ai entendu dans mon cœur vos larmes,
et, pour la première fois, je commence à croire que les larmes et les sourires
ne sont pas à proscrire de la vie d'un homme.
Je ne sais pas surpasser les grandeurs, ni
répondre aux grandes questions de vertu, ni me battre contre le méchant. Mais
je sais découvrir le secret du pas de maintenant qui apporte, petit à petit, la
réponse à ces questions troublées.
Telle est la Voie du Chevalier de l'Univers.
Mais, vous, qu'êtes-vous donc pour moi, pour me
l'avoir rappelé ?! Il y a des choses que je ne comprends pas en le monde et en
moi, même après avoir porté le sabre si longtemps...
Comme... ceci : pourquoi, pourquoi, ai-je le cœur
qui souffre en entendant vos larmes ?! Pourquoi ?
Je me suis dit, un jour, que je ne comprendrai
jamais les Français lorsqu'ils passaient tant de temps à faire des choses que,
nous, nous ne faisons pas. Maintenant, je me dis que je ne comprendrai jamais
pourquoi je ressens un tel sentiment pour un Français.
Ou alors, je ne le comprendrai que lorsque je reviendrai à
vous...
Maintenant...
Déjà, Sabre Solitaire voyait l'autre qui ne
l'avait pas aperçu, s'éloigner... un guerrier ne doit jamais agir avec
précipitation, mais là... il y avait urgence ! Il fallait... il fallait...
Ne partez pas comme cela ! Il y a une chose que...
vous n'avez pas encore vue !!
Votre souffrance ne sera pas inutile, elle ne...
elle ne l'est pas !! Jamais, moi, le samouraï solitaire, je ne le permettrai !!
Je veux... je veux... vous le montrer !!
En l'épanouissement de la fleur source de notre
vie,
Et en le profond Cœur de la destruction et de
la souffrance,
La Source, enfantant les êtres et les choses
Offre mille voies qui découlent de l'unique
Sommet d'Amour,
Fleurissantes par le retour de l'être à la
Source.
Le chemin, fleurissant de beauté et offrant la
vertu comme cadeau d'amour,
Est un cadeau du Divin, et la voie du guerrier.
Le mystère qui fait éclore l'être, et qui
repose en lui
Comme la source d'eau au Sommet, attend
d'irriguer tous les versants de la montagne !
C'est pourquoi il faut retourner à la Source,
le Sommet d'Amour,
Pour sentir et comprendre la Voie qui y mène,
Et tous les êtres, les choses, le mystère du
Vide et la Chanson de l'Univers
Qui en découlent.
L'épanouissement de la fleur source de notre
vie,
Et le profond Cœur de la destruction et de la
souffrance,
Un en un Arbre à
jamais fleuri.
Je veux vous montrer l'Arbre à jamais Fleuri que
je connais...
Soudain, alors qu'il amorçait une course furtive
et rapide en sa direction, il vit le Français en fait aller se chercher un
peigne, puis s'asseoir presque paisiblement sous l'arbre en fleur, pour se
recoiffer. Le samouraï, d'abord interloqué, étouffa un rire silencieux, qui
était pour lui-même.
Ah la la... on dirait
que certaines personnes n'apprennent jamais...
Sabre Solitaire sourit.
Le Français était étrange, c'était un fait. Si ce
dernier savait que lui, le samouraï solitaire, était revenu après tant de
temps, il aurait certainement encore et encore soigné son apparence. Certes, il
était naturel et respectueux d'agir ainsi, mais... il avait parfois
l'impression que le Français ajoutait des accessoires... disons, inutiles, à
ses cheveux et son attirail. C'était peut-être une coutume en Occident,
quoique... quoiqu'il gardât quelques doutes là-dessus.
Peut-être était-ce tout simplement une coutume de
Raphaël Sorel.
Mais à présent, il est temps de vous chanter le
chant de victoire que j'ai autant cherché pour vous que pour moi. Car dans le
reflet de la victoire que je cherchais, je sais à présent qu'il y a vos larmes
et vos sourires qui remplissent mon combat et la soif qui l'habite.
Il resta longtemps ainsi, sans pouvoir bouger.
Bien qu'ils ne se voyaient pas, leur corps et leur âme étaient bercés par une
douce chanson, et ils restaient ainsi, comme si leur cœur parlait d'éternité.
Le prélude avant l'ultime chanson, l'ultime... duo.
Et elle vient, cette chanson qu'à nous deux, nous
chanterons...
Je veux écouter votre douleur, car je veux sentir
les flots s'agiter entre nous.
C'est toute notre prière, ce silence. Surpassant
les montagnes, traversant la méconnaissance, tous les cœurs se rejoignent,
tandis que le nôtre se touche.
Je veux vous dire ce que votre cœur a au fond si
besoin, et ce que mon cœur dit à travers moi. La chanson de la tendresse de la
mère, de mère la terre qui vous enveloppe en son sein.
Elle est pour vous...
Je n'ai jamais prononcé devant vous le nom de
Victoire et je ne le ferais jamais.
Elle parlera d'elle-même à travers moi et le
monde.
Il y a tant de ces secrets en mon coeur, et tant d'autres secrets qui attendant
de germer du vôtre. Tant de ces secrets, comme les couleurs de la défaite et de
la victoire qui, ensemble, sont l'Essence de la Victoire ailée, et le secret de
vous tous, ne craignant jamais rien.
Alors sans même prononcer le nom de victoire,
Nous avions pénétré son cœur dans un conte
unique d'amour et de courage...
J'ai tant souffert,
Et maintenant je vous dis que la souffrance
protége la vie, nous disant ne pas détruire.
J'ai plongé dans les ténèbres,
Et je vous dis que l'ombre aime la lumière,
nous disant d'être le cœur de l'Harmonie
Du jeu pur et enfantin entre tous les rayons
noirs et blancs du soleil.
Un conte d'Amour et de courage.
Je n'ai pas prononcé le nom d'Amour devant vous et je ne le ferais jamais.
Il parlera de lui-même à travers les milles
choses et les êtres.
Il y a tant de secrets en mon coeur, et même le
secret de la faiblesse, vous appartient dans la transfiguration de toutes les
couleurs en un splendide arc-en-ciel.
Alors sans même prononcer le nom d'Amour,
Nous avions pénétré son secret maintenant et
pour toujours...
A présent mon sabre embrassera la sphère des
cieux !
Et,
Petit à petit, mes fibres s'en iront chanter une autre chanson d'amour,
Avec d'autres âmes de ce monde, l'histoire du
minéral, du végétal et de l'animal,
Qui accueilleront mes fibres.
Ce fut une merveilleuse histoire d'amour.
Ensemble, fibres, esprit et âme, nous avons
chanté la composition du chant de l'Univers, sa résonance en nous et chaque
chose, où en la peinture du ciel et le chant des oiseaux, j'étais et le ciel,
et le pinceau ailé, et le Compositeur avec son secret.
Progresser, en tout, était seulement se
rattacher moi à moi, à l'Univers et à l'Eternel, car j'étais le principe qui
m'avait donné naissance, et sa projection d'infini en la terre et le ciel.
Et quand je croyais avoir perdu mon âme,
C'était seulement que, craintif, mon esprit
allait se réfugier avec mes fibres, qui en silence l'encourageait à prendre son
envol pour aller rencontrer le Divin du ciel, et pour qu'elles puissent quitter
mon esprit, à la recherche de nouvelles chansons d'amour avec d'autres fibres
et d'autres esprits de la terre.
Il n'y a pas de tombe ici.
Je sais que les esprits de la terre prendront
soin de mes fibres, et comme à un ami, je confierais sans crainte ces trésors
pour qu'ils fassent fleurir de nouvelles fleurs.
Et moi je m'en irais dans les cieux de la
montagne la plus immense, où tous les esprits du ciel veillent sur toutes les
fibres et les esprits de la terre.
Je m'en irais toujours vous voir... pour tout vous
raconter, tout vous dire... partager ces trésors avec vous...
------
Plus tard. Jardin de la maison.
Raphaël passa le bandage autour de sa main, tout
en soupirant fortement. Tant que ce ne serait pas fait, il pourrait être sûr
d'être encore asticoté jusqu'à la fin de sa vie et certainement encore après,
telle qu'il connaissait Amy. Mais il fallait avouer que sa fille adoptive avait
raison, et que pour son si jeune âge, elle se montrait bien plus raisonnable et
sensible que lui. Et c'était une fille courageuse, qui derrière sa gentillesse,
avait une âme d'ange et de guerrière. Tellement plus que lui, c'était tellement
certain...
Alors il ferait le maximum pour qu'elle, elle
puisse s'épanouir. Il ne voulait pas qu'elle connaisse la rancœur qu'il avait
toujours connue, contre les siens, contre le monde entier, et qu'elle connaisse
le cynisme qui avait empoisonné sa propre vie. Car on ne vit pas des années
d'indifférence cruelle sans avoir un jour quelque chose qui vous aspire la vie,
sans plus vous en rendre. Lui, il savait ce que c'était, et ne le souhaitait à
personne maintenant.
Personne...
Cheminant,
Découvrant que l'on peut devenir ami
De chaque brin, de chaque atome, de chaque
humain
Dans la peinture vivante qu vide qui dansait
autour,
Est le silence qui nous réunit.
Tandis qu'avancent nos pas et la Vérité à
travers les millénaires.
Il ferma les yeux, les ouvrit au secret de la
lumière du jour, et de l'ombre grandissante en le mystère du cœur éternel. Il
écouta, tout en artiste amoureux, le chant des oiseaux, comme venant de son
propre cœur, et la vibration qui parcourait les roches, preuve d'amour plus
grande encore que toutes les victoires que prononcèrent les hommes.
C'est étonnant, mais...
Depuis que je t'ai rencontré, et que j'ai
rencontré Amy, je suis tellement plus sensible à toutes ces choses
merveilleuses que je connaissais si mal avant. Car s'il y a des larmes dans mon
cœur, elles sont aussi des sourires qui me rappellent ce que j'ai tant aimé
vivre et ce que je désire tant vivre.
Et maintenant que je les connais mieux, je sais
que je peux croire en la vie pour puiser à sa Source infinie...
Au fin fond des ténèbres
Là où la lumière est une avec l'ombre
La Fleur de la Vie est invincible.
On dirait que toute chose dans la nature parle de
cette poésie sacrée qui ouvre les cœurs, en le leur...
Maintenant, le jeune Français avait fermé ses yeux
bleus comme le ciel.
C'était un jeu antique comme le monde. S'il
gardait les yeux fermés, parlant sans mots de la prière qui faisait entrer dans
le cœur des choses et des êtres, l'Univers chanterait avec lui, et quelque
chose dans un rayon de lumière le porterait jusqu'au trésor de sa vie,
l'emmenant aux cieux avec. Quelque chose comme un ange insufflerait en lui une
pensée, une intuition, ou placerait quelque chose
devant lui, pour le prendre par la main et l'emmener vers le chemin de la
félicité profonde. Un jeu antique comme le monde, mais auquel il n'avait pas
joué depuis si longtemps...
Si longtemps...
Lorsqu'il était enfant, qu'il était seul et que
personne ne l'aimait, il lui arrivait de sécher ses larmes sous la lune, et de
fermer les yeux pour sentir les anges lui parler...
Lui disant, qu'un jour, il rencontrerait le plus
grand amour de sa vie... un jour...
Ecoute la chanson du cœur,
Ecoute la chanson qui traverse les temps !
Traversant les mille cœurs de la terre du ciel
Elle existe pour tous les êtres, cette chanson
Dans le monde même qui est tien.
Le miracle est là pour toi aussi,
Et maintenant tu le vois !
Un rayon de lumière traversa sa vision intérieure,
illuminant son être tout entier.
Les yeux azur du Français s'ouvrirent dans une
expression de choc, et, l'espace d'un instant, d'un instant éternel qui était
maintenant, le ciel de ses prunelles refléta l'incroyable devant lui.
En un instant, la foi pure d'un enfant devint légende
dans le cœur d'un homme.
Et la légende du cœur d'un homme devint réalité
dans le monde.
Amour de la Vie,
Faisant naître toutes les fleurs de toutes les morts...
Communiquer avec les êtres et les choses, vide
et non-être ;
le combat et la paix, puissante force de la faiblesse ;
la misère et la plénitude, éternité de l'Harmonie ;
avec la mort et la vie, vivant secret de l'Univers
Que protègent la douleur et le bonheur...
Seulement par ce que je fais et suis à présent.
Il suffirait peut-être d'aimer la vie
Pour ne plus jamais craindre la mort et la vie...
Il s'approche. Il vient.
Dans un éclair, je m'aperçois que je n'ai pas eu
le temps de me recoiffer, de lisser mes cheveux, de mettre mes plus beaux
vêtements pour lui. Il vient, et je n'ai pas même eu le temps de prononcer un
mot, qu'il se plante devant moi, et plonge ses mystérieux yeux sombres comme la
nuit dans mon cœur.
Mais la nuit prend fin pour moi, et je n'ai pas
encore souri que je connais à présent sa beauté quand elle vit en harmonie avec
l'aube du jour qui approche.
Tu es revenu avec ce jour...
Nous sommes comme le jour et la nuit, Sabre
Solitaire. Comme la jour et la nuit qui se rencontrent à l'aube qui approche...
"Namae wa, nan'desska ?"
Pas terrible, c'est d'une voix hésitante que je
parle, je dois certainement massacrer tous les accents et la grammaire. Je n'ai
jamais parlé cette langue... foutu Japonais, il aurait au moins pu me demander
d'apprendre une langue plus facile ! Mais il comprend, et pour la première fois
que je l'ai rencontré, il me semble qu'une joie intense anime son visage.
Je ne t'ai jamais vu sourire. Pourquoi ne l'as-tu
jamais fait plus tôt ?! Pourquoi n'as-tu jamais à personne offert la beauté
surnaturelle qui vit en toi ?!
Soudain, je comprends que tu te poses peut-être la
même question. Ou peut-être qu'il n'y a plus autre chose dans notre cœur, que
la certitude des cerisiers en fleur qui nous protégeront des regards impies,
tandis que nous nous dirons la plus belle des choses sans mots.
La lune, le soleil,
Les ténèbres, et la lumière,
Parlent d'une chose unique
En la vraie nature de mon cœur.
Enfin je l'ai senti entier et vrai, mon cœur
Lorsqu'au contact de l'Âme qui fait vibrer la
fibre
Et de la fibre qui fait vibrer l'âme,
J'ai approché le réel mystère et exaltant
trésor de ton être
Avec le mystère grandissant d'exalte de mon
cœur...
Tandis que le Monde s'éclaire
D'une vision de Merveille unique et
universelle.
Même perdu dans le fond de tes ténèbres,
Le Miracle a traversé les temps,
Pour qu'un rayon unique soit le Soleil qui
brille à jamais
De tout l'Amour éternel des ombres et des
lumières du Monde.
Du fin fond de tes rêves, tu m'as entendu.
Et du fin fond de mon
esprit, je t'ai senti.
Nous qui sommes ombre et lumière du monde,
Comme nous sommes quelque chose de ce lien si
puissant entre elles !
Ce lien si puissant né d'un Soleil qui brille à
jamais
D'une Merveille unique et universelle.
La Vie.
Je n'ai jamais mieux compris ce poème que
maintenant...
Et voilà qu'il s'avance lentement, et me saisit la
main sur laquelle il dépose tendrement des lèvres durcies par le froid. Oh, le
coquin, il sait bien que ça se fait, en France, ce geste. Il aurait pu me
saluer à la japonaise, procéder à la façon des chevaliers du Levant, mais non,
il a choisi cette manière.
Des larmes me viennent. C'est vraiment bête,
considérant que, je suis : 1) machiavélique. 2) artistique ; 3) impitoyable ;
4) déterminé ; 5) RAPHAËL SOREL.
Mais... jamais, je n'ai été quelqu'un de tendre.
Emouvant, peut-être, car comme toi, je n'avais plus qu'une chose à poursuivre –
toi l'être pour la mort, toi le samouraï. Moi qui suis artiste de l'épée,
artiste des instruments, artiste de la tactique, j'ai parfois été grand. Mais
d'une grandeur bête, stupide, méchante. Je n'ai jamais aimé...
Jamais...
« Pourtant, dans la nuit qui s'annonce,
C'est toi que j'ai trouvé.
Une lumière est venue de nous,
Et je ne peux plus la lâcher.
L'éternité a battu trop fort en moi,
Pour que je puisse désormais
Oublier ta main.
Et la douleur qui traversa la terre.
Car bien que je ne sache
Ce que nous pourrons
jamais bâtir,
Je veux maintenant et ici même
Sentir ton cœur et le mien.
Je veux marcher sur le pont du ciel !»
Des larmes me viennent, je ne peux pas m'en
empêcher, et je n'en ai pas envie, moi qui n'ai jamais vraiment pleuré qu'au
début de ma vraie histoire d'amour. Amy a été la première à me la raconter,
mais je veux savoir le nom de celui qui m'a fait pleurer avant le lit de noces.
Elle est ma fille, mais toi tu es...
Namae wa, nan'desska
? Quel est... ton nom ?
L'homme samouraï s'avance. Il sait qu'il a gagné,
mais aucune des victoires qu'il a tant cherchées sur le champ de bataille ne
ressemble à celle-ci, si extraordinaire.
Son âme est devenu un champ de bataille en paix.
"Mitsurugi Heishiro... desu."
Un champ de fleurs.
Il vient... il s'avance...
A l'union de l'aube et du crépuscule,
De l'ombre et de la lumière,
Du combat et la paix,
De la chose et de l'Univers,
Tout est dit.
Et toi et moi...
Découvrons le miracle...
Ta main a
emporté mes larmes sous le cerisier en fleur !
FIN
Lord Ma-koto Chaoying
*