La fille et l'autre
By Black Corbak
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Il lui parlait, amicalement, certes,
mais sans sentiments, elle le savait. Sans aucun sentiment pour elle. Pourtant, c'était ce qu'elle espérait
le plus au monde. Rien qu'une pensée...
A quoi ça
sert l'amour
Si c'est
un aller sans retour
Y a plus
que du vide à la place
Mais que
veux-tu que j'en fasse ?
Non, il ne s'intéresserait pas à elle,
et elle le savait. Il était d'ailleurs certainement déjà marié. Mais elle esperait tout de même, car sans cela, sa vie n'avait plus
aucun sens. Elle ne le connaissait pas «bien», pourtant, mais chaque jour, ils
faisaient le même trajet, ils avaient échangé quelques mots, et cela avait
suffi. Il était bien plus âgé qu'elle, mais cela n'y changeait rien, elle
l'aimait. Elle l'aimait sans retour, et en souffrait chaque jour un peu plus.
A quoi ça
sert la vie
Quand on
meurt petit à petit
S'il n'y a
rien que l'absence
A qui
veux-tu que je pense ?
Arrivée au collège, elle pensait
toujours à lui. Son timbre si doux, ses yeux plus profonds que la plus profonde
des mers, son rire cristallin... Si bien que quand son professeur l'interroga, elle fut surprise, ne sut que répondre, et eut
une heure de colle. Elle ne put s'empêcher de sourire au fond d'elle même, car
on était aujourd'hui jeudi, et elle finissait habituellement une heure avant
lui..
Chaque
jour de plus est un jour de trop
Je plie
déjà sous le fardeau
Chaque
jour de plus est un jour de trop
Est-ce que
m'aimeras bientôt ?
Au déjeuner, seule comme d'habitude,
elle se lamenta sur son sort. Elle était si triste, si éprise de lui qui
pourtant ne voyait en elle qu'une collégienne ordinaire, quoique bavarde, et
plutôt sympathique... Une collégienne ordinaire !
Elle éclata en sanglots.
Et moi je
sers à quoi
Si je n'suis pas la moitié de toi
Si ta vie
n'est pas dans la mienne
Comment
veux-tu que je tienne ?
C'est durant son heure de colle
qu'elle prit une résolution. La résolution de sa vie. Oui, ce soir même, elle
lui parlerai. Elle lui avouerai son amour, et lui a son tour lui dirait que c'est réciproque. Qu'il l'aimait
depuis toujours, sans avoir jamais rien osé lui dire. Et ils vivraient heureux,
ensemble ! Bien sûr ! Lui l'aimait aussi, mais ne pouvait pas le lui avouer, au
risque de se couvrir de ridicule !
Elle se dirigea vers leur rame
habituelle de métro, en se fredonnant à elle-même une chanson de Michel Fugain, qui, légèrement modifiée, l'avait accompagnée dans
sa douleur, et la guiderait aujourd'hui vers son ultime bonheur...
Chaque
jour de plus est un jour de trop
Je plie
déjà sous le fardeau
Chaque
jour de plus est un jour de trop
Est-ce que
m'aimeras bientôt ?
Elle était là, assise sur le toit de
son immeuble, à se remémorer les évènements d'il y a une heure...
«Monsieur ?
- Oui ? Ah,
c'est toi ma petite ! Comment se fait-il que tu sortes si tard ?
- J'ai été
collée...répondit-elle, la tête basse
- Rôôôh ! fit-il,
riant, en lui ébouriffant les cheveux
- Monsieur ?
- Oui ?
- Je voudrais
vous dire quelque chose...
- ...
- Je vous
aime.»
Il rit.
Elle se leva, et se dirigea
quasi-machinalement vers le rebord du toît.
Plus bas, la fenêtre ouverte, un de
ses voisins écoutait Fugain...
Chaque
jour de plus est un jour de trop
Je plie
déjà sous le fardeau
Chaque
jour de plus est un jour de trop
Est-ce que
m'aimeras bientôt ?
Un jour de trop, oui...
Son corps bascula dans le vide.
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Quelques jours plus tard, il s'étonna
de ne pas la voir à leur «rendez-vous». Il sourit et haussa les épaules. La vie
suivrait son cours.
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