Wil : Bouhouhou

Kent : Que se passe-t-il, Wil ?

Wil : Bouhouhououin… c’est… c’est…

Kent : Oui ?

Wil : C’est le dernier chapiiiiiiitre ! Après, c’est fini !

Kent : C’est exact... mais ainsi vont les choses.

Lyn : Je ne sais pas pourquoi, mais une phrase m’a marquée… c’est le ‘méchant’ qui la disait, d’ailleurs…

Kent : Ah ?

Lyn : Il parlait de vous, d’ailleurs.

Kent : De… moi ?

Lyn : Il disait : ‘Vous m’avez bien compris, cher commandant – qui ne commande plus rien, d’ailleurs.’

Kent : … … …nous considérerons cela comme la citation du jour. Mais il est temps de commencer… mais enfin, où est encore passé mon imbécile de frère d’arme ! Il est encore en retard !

Saïn : Je suis là !

Kent, sec : Vous êtes…

Saïn : …en retard, je sais. Mais, vous savez, en chemin, j’ai rencontré un chat qui avait besoin d’aide et…

Kent, regard expressif : … … …

Saïn, abandonnant : … … …okay, okay, d’accord ! Vous avez gagné, je raconte n’importe quoi ! En fait, mon radio-réveil est tombé en panne.

Kent, sec : A d’autre, capitaine. Je doute que ce genre d’appareil existait de notre époque. Nous ne sommes même pas censé savoir que cela existe, d’ailleurs.

Saïn : Ah… nous allons dire que nous sommes en avance sur notre temps, hein ?

Kent, sec : Je ne veux plus rien entendre, capitaine. Je commence à en avoir assez de toutes vos bêtises aux conséquences désastreuses non seulement pour votre réputation, mais aussi pour votre cerveau. Que vais-je faire de vous ? Si vous continuez ainsi, je vais devoir…

Saïn : …

Kent : …prendre des sanctions à votre égard dans le but de vous protéger et… que se passe-t-il, vous n’avez rien dit ! D’habitude, vous vous enflammez au moindre de mes mots !

Saïn, las : Kent. C’est le dernier chapitre. Ne pourriez-vous vous pas simplement me dire que vous m’aimez et vous tenez à moi ? J’espérais que vous vous décrisperiez un peu durant l’histoire, mais pendant tous les autres chapitres, vous n’avez cessé de me réprimander pour des broutilles. Puisqu’il n’y aura pas de suite… pour une fois… pour une seule fois… aurons-nous l’occasion d’être sincères envers nous-même ?

Kent : … … … je suis désolé. (se détourne) C’est vrai que… que j’ai en fin de compte plus pensé à moi qu’à vous... même en prétendant vous protéger…

Saïn : Ne dites pas ça !

Kent : En fait, pour être honnête… moi aussi, le fait que ce soit le dernier chapitre me rend un peu triste et nerveux.

Saïn : Alors, comme ça, petit cachottier, vous faisiez semblant de prendre ça à la légère avec votre tête de merlan fris trop sérieux, alors qu’en fait vous mouriez d’envie d’hurler votre affliction devant la fic de la fic ? Na na na na nèreeeuuuhhh ! J'ai pris en défaut le Keeeeeeeeennt !

Kent, rouge tant il est mort de honte: Taisez-vous, capitaine. C’est un ordre.

Saïn : Hi hi hi

 

Le Rouge et le Vert

 

By Lord Ma-koto Chaoying

 

 

Dernier Chapitre : Je suis là pour vous et vous êtes là pour moi

Jardin des pruniers en fleurs…

Aurore…

Je suis là pour vous et vous êtes là pour moi.

Ce sont des mots qui n’ont de sens que pour nous, qui avons vu l’aurore du cœur naître ensemble et le crépuscule de notre âme annoncer un soleil éternel pour nos fibres de vie.

Pourtant, aujourd’hui, un peu de cet amour si secret aux yeux des autres est devenu une réalité universelle dans mon propre cœur. Alors que vous êtes venu à moi, j’ai senti mon cœur aller vers vous…

« Votre bêtise est… affligeante. » dis-je d’une voix émue.

Je contemple votre corps allongé contre le mien, vos mains attachées à moi alors que votre expression paisible dans son sommeil me défie de vous faire la morale ou de vous caresser doucement le visage. Sans doute les deux à la fois, car vous mériteriez bien les deux. Étonnante Lance Verte, à la couleur de la vie et de l’espoir, pourquoi courriez-vous derrière toutes les femmes, alors que vous gardiez tout l’or de lumière battant en votre cœur pour moi ?

Vous ai-je trop mal donné mon affection, pour que vous vous acharniez à m’exaspérer dans l’espoir secret de voir changer mon visage pour vous ?

Vous aviez déjà le secret de mon sourire, la confiance de mon cœur, la fidélité de mon âme. Vous aviez ce que je n’ai jamais autant donné pour un être sur cette terre, et vous en vouliez encore plus.

Votre bêtise est affligeante.

Vous vouliez empêcher mon cœur de mourir, peu importait les dangers, les devoirs de ce monde et toutes ces conventions dans lesquelles nous étions si souvent enfermés ; seulement parce que votre cœur était libre et que vous vouliez vivre votre liberté.

Pour tout cela, pour toute votre bêtise affligeante comme jamais, je vous dis…

…merci, mon très cher.

« Vous allez encore dire que votre intelligence supérieure réprouve les comportements kentaniens du devoir, murmurai-je en souriant. Mais… il y a quand même des choses que je dois faire, comme… avertir l’Empereur du Bakador que nous ne sommes pas morts. Attendez-moi ici. »

Je tente de me lever lentement pour ne pas le réveiller, mais une de ses mains a bien du mal à me laisser partir. Je ris doucement :

« Vous ne changerez donc jamais ! Heureusement que je suis là pour penser pour deux. »

Cela fait, je dénoue la cape rouge que j’avais et la pose sur vous. Le vent va se lever et vous aurez froid…

Va, Bouclier Rouge. Tu as un devoir à faire et tu ne dois pas trop t’attarder ici.

« Je reviendrais, mon très cher. »

Je caresse légèrement les cheveux châtain ébouriffés et disparaît au loin.

(Flash-back…)

Une voix mélodieuse s’éleva… une voix magnifique, une voix de ténor…

Est-ce que la chanson de la vie pourrait être différente de ce que dit un cœur qui s’épanouit par elle ?

« Dans la mort ou dans la vie,

Vis.

Vis, mon ami.

Va en ton chemin, crée ces flots en toi

Que tu sais si bien créer lorsque tu crois !

Sans mal penser, crée marées en toi

Dansantes de joie entre univers et toi ! »

Les paroles furent coupées par une voix grave et familièrement protectrice.

« Saïn ! Vous n’êtes pas en rythme ! Attendez-moi un peu, ou je ne pourrais jamais vous suivre ! Que croyez-vous que je joue ! Du pipeau ! »

Un rire argentin traversa l’atmosphère.

« Cela ressemble plutôt à une flûte, mon très cher frère d’arme… »

« Ah-ha, ah-ha, très drôle, Saïn. »

« Je sais ! C’est hilarant ! »

« N’en rajoutez pas. Si nous reprenions le morceau ? Et cette fois, par la bénédiction de Sainte Elimine sur l’univers, POURRIEZ-VOUS JOUER AVEC MOI ! Ceci est censé être un duo ! »

Le jeune chevalier vert eut un air penaud.

« Je suis désolé, Kent… mais j’aime tant ce passage que j’oublie tout ! »

Des yeux cuivre, si profonds et graves, qui le fixèrent…

« N’oubliez pas notre promesse, cependant, mon… ami. Nous jouons ce morceau ensemble… n’est-ce pas ?»

Les yeux noisette le fixèrent avec la même gravité.

« Je ne l’ai jamais oublié, Kent. Je sais que le Rouge porte l’armure du sang, versé par les cœurs blessés dans le combat, que le Vert porte l’armure de la fertilité, nourrie des larmes de sang versées par nos cœurs. Le Rouge… et le Vert. Car… je suis là pour vous, et vous êtes là pour moi… n’est-ce pas ? »

Un sourire sur le visage si grave du Bouclier Rouge !

« C’est vrai. »

« Alors… allons-y, n’est-ce pas ? Ah, le premier arrivé a gagné ! »

« Saïn ! »

« Je plaisantais, je plaisantais ! »

Palais de l’Empereur du Bakador

Un peu plus tard…

« Te voilà donc, Bouclier Rubis. »

Une sorte de frisson me parcoure le corps à cette appellation.

« Empereur, je vous en prie. Ce nom… »

« …est bien le tien et il te faudra apprendre à l’accepter, Kentanan. »

De nouveau, mon corps s’agite instinctivement au dernier mot, d’un mouvement presque imperceptible. Mais cette fois, je m’abstiens de répliquer.

« Jeune homme, où est ton compagnon ? Je m’inquiète de ne pas le voir. »

Un de mes sourcils se hausse à l’évocation de Saïn, puis un léger sourire se dessine sur mes lèvres.

« Oh, n’ayez crainte. Il est… »

« …juste là derrière vous en train d’être très en colère pour l’avoir abandonné sans l’avoir réveillé. »

Je sursaute et me tourne précipitamment sur cet éternel sourire à la fois tendre et complice.

« Vous ! »

Une mine offusquée se peint sur son visage. Mais méfiez-vous, c’est Saïn. C'est-à-dire, un excellent comédien.

« Comment ça, vous attendiez quelqu’un d’autre que votre exceptionnel capitaine ? Seriez-vous donc plus volatile que votre apparence de merlan fris trop sérieux ne le laisse entendre ? »

« Saïn ! »

« Ne vous inquiétez pas pour votre cape, je l’ai accrochée à un buisson sans trop d’épines, il n’y aura que quelques trous… »

« COMMENT ! Vous avez accroché ma cape à un BUISSON D’EPINES, sachant qu’elle était TOUTE NEUVE ! »

Le… le… !

Je sais bien que l’on peut être complètement idiot et inconscient, mais… à ce point !

« SAAAAAAAAAÏÏÏNNN ! Vous… vous… VOUS ! »

Alors que je fais une tête à faire peur à mon pire ennemi, il approche son visage du mien et affiche un graaaaaaaaannd sourire, en balayant d’une pichenette une de mes longues mèches rousses.

« Poisson d’avril, commandant. »

Et de sortir la cape de derrière son dos. Merlan fris, poisson d’avril… nous nageons dans des eaux très profondes.

« Capitaine… »

Alors que le ton de ma voix présage la tempête d’une tirade sinistre, il prend son plus beau sourire pour se planter devant moi.

« Oui, mon très cher Kent ? »

Filou de premier ordre.

« Nul être en ce monde ne fut jamais doté d’une bêtise aussi affligeante que la vôtre ! Quand bien même le destin de l’univers entier eût été de n’être peuplé que de génies que votre cerveau n’arriverait jamais à dépasser un QI de 0,00000000000001 ! Vous ne changerez donc jamais ! »

Sans s’effrayer de ma saute d’humeur, il se plante devant moi. Quelque chose dans son sourire est désarmant, alors qu’il dit d’un ton rieur et doux, en prenant dans ses doigts une de mes mèches rousses.

« Quand bien même le monde ne dût être peuplé que de Kent(s)… qu’il y aura un Saïn pour lui offrir son affligeante bêtise. Je… ne changerai donc jamais. »

Comment ne pas être ému, devant une telle sincérité ? L’espace d’un instant, quelque chose d’étrange mouille mes yeux. Il a toujours dit qu’il aimait cette couleur cuivre, originale, qui était la leur, mais plus encore lorsqu’ils offraient un peu de ce cœur d’émotion qui jamais n’avait été vraiment mort en moi.

« Votre bêtise… est… affliaffli… »

Pour la première fois, je n’arrive pas à terminer ma phrase. Cette phrase, si sempiternelle, si habituelle, ne veut plus cacher ce que mon cœur, ce torrent d’émotions, ressent au contact du sien.

« Kent, Kent, Kent… » dit-il d’une voix douce, en prenant ma main.

Son rire est léger, consolateur dans son immense tendresse.

« Je savais que vous étiez sensible, mais à ce point… d’habitude, vous arrivez à me faire la morale beaucoup plus longtemps que ça. »

L’or de ses yeux noisette me transperce l’âme.

« Etes-vous bien sûr que… vous êtes prêt pour ce nouveau combat qui nous attend ? Il est terrible… il sera terrible, vous savez. »

Comment, il sait pour le Graal !

« Kent. »

Il soulève légèrement les épaules pour se décontracter les muscles, son air toujours inquiet et doux tourné vers moi.

« Je m’inquiète pour vous. Je connais votre force… mais vous en avez trop porté sur le dos ces derniers temps. Un seul de mes mots… suffit à faire déborder votre cœur d’émotion, vous qui êtes la raison personnifiée. »

Je reste silencieux, ne sachant que répondre.

« Êtes-vous sûr de pouvoir vous battre ? »

Il joue doucement avec les doigts de ma main, attendant ma réaction. Qui est de serrer doucement sa propre main offrant ces caresses volatiles.

« Je crois que je le peux, parce que… »

Il me regarde droit dans les yeux, me défiant d’invoquer encore une fois ce pathétique sens du devoir que je donnais toujours comme raison. Mais cette fois, je ne lui mentirai pas.

« Je suis là pour vous… »

Je lui offre un très, très doux sourire.

« …et vous êtes là pour moi. »

On dirait que les étoiles chantent une étrange chanson de larmes et de sourires dans le brillant de ses yeux dorés…

Je suis là pour vous et vous êtes là pour moi.

C’est une vérité qui, jamais, devant les étoiles, ne sera démentie alors que vont les millénaires de notre évolution parmi montagnes et rivières de notre être.

Aujourd’hui, je vous offre comme le cadeau d’une nouvelle aurore, ce qui fut hier le symbole de l’Eternité et qui sera demain le goût de l’Infini…

« Venez, Kent. » dit-il d’une voix étrangement émue en me prenant la main. « Nous devons étudier la situation pour faire face à la bataille que va nous livrer Matery, n’est-ce pas ? Nous n’allons pas quand même rester là à pleurer comme des madeleines, hein ? »

Je vois qu’il essuie une larme. Et quand on dit que c’est moi qui tente de cacher mes émotions… pff. Pour la peine…

« Saïn, je savais que votre intelligence laissait à désirer, mais vous atteignez les limites de la crétinerie congénitale. »

Un sourire légèrement sardonique se peint sur mon visage.

« Au cas où vous ne l’eussiez point remarqué, le plan est déjà tout tracé, vu qu’à l’heure qui est, le général Matery doit certainement déjà nous avoir coupé toute retraite. Ce que je ne comprends pas… »

A ce moment, je me tourne vers l’Empereur.

« …c’est que son Altesse n’ait point intervenu pour vous chasser à grands renforts de coups de pieds. »

Saïn ouvre la bouche pour protester, mais d’un geste je lui ordonne de se taire – ce qu’il fait. Non que j’y sois pour quelque chose. Les yeux emplis de sagesse, l’Empereur du Bakador porte un regard étrangement doux sur nous. Comme s’il voyait les prophéties de ce monde. Et c’est ce regard qui a arrêté la Lance Verte.

« Votre Altesse, il n’est peut-être pas encore trop tard. » je continue, pressant, sans écouter les protestations de mon frère d’arme. « Je vous le demande comme une faveur, ordonnez au chevalier Saïn, la Lance Verte, de s’enfuir à l’instant loin de cet endroit et du général Matery, l’Œil de Glace. »

« Kent ! »

« Ou au chevalier Saïnatan, la Lance Emeraude. » je poursuis, sans prêter attention à mon compagnon. « Comme vous souhaitez l’appeler. »

Les yeux bleus me fixent avec une sagesse indescriptible.

« Kentanan. »

« Oui, votre Altesse ? »

« Tu es têtu. »

« Tout à fait, votre Altesse. »

Je rends regard pour regard au vieil homme.

« Tu voudrais que j’ordonne à la Lance Emeraude de s’enfuir loin de l’Œil de Glace, c’est cela ? »

« Si fait, votre Altesse. »

« Techniquement, en ai-je le droit, Kentanan ? »

« De par votre supériorité hiérarchique, c’est le cas, votre Altesse. »

« Et tu as raison, jeune chevalier rouge. »

A côté, Saïn me fixe d’un regard terrible, ses yeux allant de l’Empereur à moi, prêt à protester de toutes ses forces. Mais d’un geste doux et ferme, le vieil homme le fait taire – et à ma grande surprise, mon capitaine obéit. Comment l’Empereur a-t-il réussi… cet exploit !

« Cependant, Bouclier Rubis, il est une haute tradition dans la chevalerie. Si un seigneur se voit partagé entre des décisions qu’ont des chevaliers à prendre, il doit en déférer le choix aux chevaliers en question. Et cette loi… prévaut même sur l’autorité impériale. »

Je grince légèrement des dents, en voyant mon frère d’arme me tirer la langue. Mais, sans prêter attention à nos réactions, le vieil homme se tourne vers Saïn.

« Chevalier Saïnatan, quelle est ta décision ? »

Très sérieux, mon compagnon articule lentement.

« J’irai partout où ira Ken-… je veux dire, où ira mon commandant. »

« Ne soyez pas stupide. »

C’est à mon tour de le regarder avec colère.

« Que croyez-vous faire, ainsi ? M’aider ? Capitaine, vous me gêneriez. De plus, vous désobéissez à votre supérieur hiérarchique. »

Avec la même intensité dans le regard, il me répond du tact au tact.

« Sauf que, petit détail, mon commandant, j’ai déserté l’armée de Caelin. Alors je ne suis plus sous vos ordres. »

De nouveau, je me mords les lèvres. Foutu frère d’arme trop intelligent à ses moments.

« Kent, je vous en prie. »

Je relève la tête, surpris. Sa voix s’est faite plus suppliante, ses yeux plus tristes. Comment pourrais-je résister à une telle expression ?

« Si je dois fuir, venez avec moi. »

Mon regard se détourne.

« C’est que… »

Une quinte de toux féroce m’interrompt, devenant de plus en marquée. Quasiment plié sous le choc, je dois m’appuyer sur le mur. Inquiet, Saïn me prend la main.

« Kent ! Vous allez bien ! »

J’esquisse un pauvre sourire.

« …justement. Voilà… le problème. Je… ne pense pas que… je serais en mesure… de vous suivre, Saïn. »

Il me regarde, avec une expression si… triste. C’est pour ce genre de visage que je n’ai jamais autant aimé un frère d’arme.

« Kent… Kent... quand avez-vous attrapé cette maladie ? »

« Pendant… votre absence. Son Altesse m’avait recueilli, mais je m’étais enfui et perdu non loin de la Porte du Graal. Le résultat fut… mon état. »

Je tousse violemment, encore une fois. Avec douceur, mon compagnon m’agrippe par la taille.

« Saïn. Là-bas… est un endroit maudit. Je ne sais si la Porte du Graal referme le trésor du paradis comme on le prétend, mais ce qui demeure certain, c’est qu’aux alentours, domine l’enfer. Je ne sais ce qui s’est passé… j’ai cru être possédé… mourir, sans vraiment pouvoir mourir… c-c’étaitc-c’était… abominable. » je finis dans un souffle.

C’est alors que je m’aperçois… que je tremble comme une feuille. Comment, je… je… moi, qui ai reçu l’entraînement de guerrier, je tremble !

Et dans les bras de mon capitaine, de mon frère d’arme !

« Kent. » chuchote-il avec douceur. « Calmez-vous… je suis là. »

Je sens mes yeux se fermer, au contact apaisant de sa peau.

« Et d’ailleurs… » ajoute-il.

Alors, sa voix devient plus déterminée.

« …je suis désolé, mon commandant, mais je vais vous désobéir. »

« Ne dites rien. »

« Je reste avec vous quoiqu’il arrive. »

« Je vous avais ordonné de ne rien dire ! »

Je tente de lui darder un regard plein de colère, mais quelque chose de triste dans le sien me stoppe net.

« Kent… pourquoi ne me demandez-vous pas d’être là pour vous ? Votre cœur… le supplie, mais vous, vous refusez. »

Une fois encore, comment ne pas être ému… devant une telle sincérité ? Alors que le monde s’est écroulé devant la hantise de sa propre mort, cette fibre sacrée de son âme brille d’une pureté, tel un cœur de cristal rayonnant.

Jusqu’à redonner un rayon de vie éternelle aux confins du monde qui semblait mort !

« Saïn… »

Est-ce un sourire qu’il a dessiné sur mon propre visage ?

« Ce que même j’avais voulu vous refuser… »

Le sien a le pouvoir de peindre la vie !

« …vous l’avez obtenu. »

Je prends sa main à l’énergie chaude d’amour, y posant dans une symbolique vérité mes lèvres, un peu des ailes dorées de mon âme qu’un ange a coloriée.

« Vous avez déjà mon cœur… »

Il penche légèrement la tête, avec un de ses sourires mystérieux qui font connaître le secret de notre monde.

« Cela, je le savais bien avant, Kent… »

A son tour, il prend ma main devenue aussi chaude que la sienne pour y déposer ses lèvres.

« …bien avant aujourd’hui, mon âme vous attendait pour mieux vous connaître. »

Il me semble, dans son regard, que je lis le mystère des étoiles étincelantes dans la nuit.

Je lis le mystère de deux étoiles que la vie sépare et que l’Eternité réunit…

« La lune, le soleil,

Les ténèbres, et la lumière,

Parlent d’une chose unique

En la vraie nature de mon cœur.

Enfin je l’ai senti entier et vrai, mon cœur

Lorsqu’au contact de l’Âme qui fait vibrer la fibre

Et de la fibre qui fait vibrer l’âme,

J’ai approché le réel mystère et l’exaltant trésor de ton être

Avec le mystère grandissant d’exaltation de mon cœur…

Tandis que le Monde s’éclaire

D’une vision de Merveille unique et universelle.

Même perdu dans le fond de tes ténèbres,

Le Miracle a traversé les temps,

Pour qu’un rayon unique soit le Soleil qui brille à jamais

De tout l’Amour éternel des ombres et des lumières du Monde.

Du fin fond de tes rêves, tu m’as entendu.

Et du fin fond de mon esprit, je t’ai senti.

Nous qui sommes ombre et lumière du monde,

Comme nous sommes quelque chose de ce lien si puissant entre elles !

Ce lien si puissant né d’un Soleil qui brille à jamais

D’une Merveille unique et universelle.

La Vie... »

Tout instant de lumière doit laisser place à l’obscurité, pour revenir briller de la beauté de l’Eternité. C’est ainsi que notre fleur de communion reviendra dormir dans la terre et rêver dans le ciel, avant de s’épanouir en un champ de miracles toujours plus beaux.

C’est ainsi que viendra l’Œil de Glace, cherchant quelque chose en nous dont il ne pourra comprendre la beauté. Il voudra sa force, mais ne touchera pas à ses racines.

BOUM ! BOUM ! BOUM !

« Il arrive. » murmure-t-il.

Les heurts des lames, les bruits de pas des soldats, tout se fait déjà entendre. Mais le chant d’un ange continue à porter nos âmes…

« Je sais. » je réponds dans un murmure, sans jamais lâcher son corps.

BOUUUUMMM !

La porte est défoncée !

Annonçant, en même temps que sa destruction, le temps de l’épreuve ultime.

Flash-back…

Jardin…

« Dans la mort ou dans la vie,

Vis.

Vis, mon ami.

Va ton chemin, crée ces flots en toi

Que tu sais si bien créer quand tu crois !

Sans mal penser, crée marées en toi

Dansantes de joie entre univers et toi !

C’est une seule danse

Et un seul geste au combat

Danse, mon ami.

Tisse la vie de l’être ordinaire

Tu as un pouvoir extraordinaire

Tisser la vie dans un rire

Tant aimer par un sourire !

Je crois en toi,

Et moi aussi je m’avance.

Voici mon toit,

Tout le courage de ma lance.

C’est là tout mon amour.

Toute ma lutte, dans toute ma sincérité.

Bien que je butte, si proche de la vérité…

Moi à mon tour je souris,

Et je suis alors si heureux

D’être avec toi.

De…»

Un moment, mes doigts sur la flûte s’arrêtent… d’eux-mêmes. Son regard noisette doré se tournant vers moi, il m’interroge du regard, s’arrêtant aussi.

« Kent, qu’y-a-t-il ? »

« … »

« Kent ? »

« … »

S’approchant de moi avec souplesse, il s’assied devant moi sur un tabouret, posant les mains sur mes genoux avec son habituelle proximité.

« Allez, mon petit commandant, dites tout à papa capitaine Saïn qui vous aime et s’inquiète tant pour vous… »

Je ne peux m’empêcher d’envoyer une taloche sur sa main par vengeance amicale.

« Oh, s’il vous plaît. »

Il fait semblant de faire une moue blessée tandis que moi, je fais semblant d’être fâché.

« Papa capitaine est blessé ! Vous le rejetez alors qu’il vous offre son immense amour ! »

« Papa capitaine est d’une bêtise affligeante. » je réponds sur un ton en apparence égal.

Il grimace – ce qui est sa façon de rire – devant ma mine neutre, avant que nos regards se rencontrent, et que…

…nous éclatons de rire ensemble.

« Touché ! » il lance d’un ton entrecoupé de rires, tandis que moi-même j’ai du mal à m’en remettre. « Mais la prochaine fois, c’est moi qui vous aurai, Kent. Alors, si vous me disiez pourquoi… ? »

Hochant la tête pour acquiescer lentement, je reprends.

« Ce passage de la chanson… »

« Oui ? »

« J’ai du mal… à pouvoir jouer dessus. »

« Ah ha ! Sieur commandant Kent a du MAL A REUSSIR QUELQUE CHOSE ! Hourra, j’ai trouvé une imperfection pour lui ! Mouah ha ha ha ha ! »

« Saïn ! Ne soyez pas plus idiot que d’habitude – enfin, pour ce que cela change… je veux dire que c’est… en moi… que je ne peux pas jouer sur ce passage. »

Il secoue la tête, avec un sourire à la fois tendre et mystérieux. Puis il se lève, se met un peu plus loin devant moi en disant.

« Alors, puisque vous ne pouvez pas encore jouer sur ce passage, moi, Saïn de Caelin, la Lance Verte, je vous l’offre. Viendra le jour où ce sera vous qui m’aiderez à chanter de tout mon cœur ce passage. »

Est-ce que les chevaliers de ce monde portent les prophéties par leurs paroles ?

Voilà qu’il s’est mis à chanter !

« ‘De mon âme à ton âme’

Est ce qui nous frappe droit au cœur

Au combat la coupe est mon âme

Et l’amour la vie de mon cœur

Un champ éternel de fleurs

Où du tranchant des lames

Brille un monde sans rancœur.

Sans faille la coupe de mon sabre

Approchant ton âme de la mienne

D’esprit à esprit…

Mais au cœur même de mon sabre

Une sont ton âme et la mienne

Et parce que parlent nos esprits

Notre combat n’aura nul prix ! »

Retour à la réalité.

Devant la Porte du Graal…

« Avancez. »

Le ton est on ne peut plus sec. Ou glacial, c’est comme on voudra. Mais, après tout, venant de l’Œil de Glace, on pouvait s’attendre à de la froideur, comme dirait Saïn dans un mauvais jeu de mot.

« Non, pas vous, Bouclier Rubis. Laissez votre compagnon y aller seul. »

Quelque chose en moi bondit de surprise. Et de mauvaise surprise.

« Comment ! »

Il me regarde d’un air narquois.

« Vous m’avez bien compris, cher commandant – qui ne commande plus rien, d’ailleurs. Vous resterez avec moi et la Lance Emeraude entrera seul dans la Salle du Graal. »

« Mais c’est complètement… fou ! » je finis dans un souffle. « Pourquoi faire une telle chose ! Vous savez bien que… ! »

Il me prend d’une façon doucereuse et autoritaire le bras, avec un sourire à faire peur au plus courageux des guerriers. Son éclat possessif m’insuffle une peur étrange.

« Tout simplement parce que… je pense que le fait pour votre compagnon de savoir que vous resterez en ma compagnie le dissuadera faire des choses… inconsidérées. Comme me désobéir, par exemple. »

Je sens le regard de feu de Saïn brûler l’Œil de Glace. Mais il redevient vite inquiétude en me voyant tousser violemment dans un accès d’indignation qui m’avait traversé.

« Kent ! Vous allez bien ! »

Matery – si tel est son nom – fait un signe aux gardes, qui empêchent mon frère d’arme de me rejoindre.

« Il ira très bien si vous faites ce que je vous ordonne. Entrez dans la Porte du Graal, Lance Emeraude. »

Mon ami hurle presque.

« Vous… vous saviez qu’il était malade ! Et vous… ! Et vous… ! »

« Saïn. »

C’est ma propre voix. Il détourne la tête.

« Je sais, Kent. Pour vous, je le ferai. »

Ma gorge se serre d’elle-même. Chaque fois que ce cœur parle, c’est le Saïn de toujours, l’ardent, le loyal, le passionné, le pur. Et c’est cela qui me fait mal.

Après un moment de réflexion courageuse, il est entré dans la Porte du Graal.

C’est seulement alors… que je laisse ma colère éclater.

« Comment… osez-vous ! »

La lueur encore plus narquoise de son regard attise ma colère au bord de la fureur.

« Vous saviez qu’il ferait tout pour moi… vous saviez qu’il braverait la désertion, le danger, la mort, même l’épreuve du Graal… vous saviez qu’il viendrait, qu’il voudrait me protéger, malgré que je le repousse, malgré ma maladie… vous le saviez. »

« Vous aviez compris tout cela, et pourtant, ex-commandant, vous ne l’avez pas repoussé. Vous avez accepté qu’il reste avec vous, alors que vous auriez dû le faire fuir. »

Ma bouche s’ouvre pour répondre. En vain.

« … »

Son sourire à lui s’élargit.

« Vous voilà silencieux, Bouclier Rubis. Auriez-vous honte ? »

« Je… »

Un cri déchirant résonne. Les soldats sursautent d’effroi, même Matery se raidit, tant il est horrible. Quant à moi, il me hérisse les cheveux, et mon corps entier est agité d’un tremblement ; cette voix, c’est…

Saïn !

« Kent ! Kent ! K-kent… ! Keeeeeeeeeennt ! »

Ses appels au secours se multiplient, me déchirent. Je m’arrache de l’étreinte des soldats, tambourine sur la Porte du Graal, en vain. Elle ne s’ouvrira plus !

« Aaaaaaaaaaahh ! »

Mon dieu, mon dieu, son cri !

Il me semble que je deviens fou, que son propre cri à lui, c’est celui de mon cœur qui n’a jamais su faire ce qu’il devait faire pour l’amour d’un autre. Celui d’un enfant solitaire qui ne pourra jamais gagner le cœur du monde.

Un enfant seul au monde…

« Ainsi, il doit être mort. Quel dommage, mais avec sa bêtise, il fallait s’y attendre. »

Ces paroles résonnent, lointaines, de cet homme qu’on appelle l’Œil de Glace. Et aussi lointaines, sont les émotions de cette raison qui mène doucement mon cœur.

Il n’y a plus de raison à toutes mes émotions.

Je suis mort.

« Vous avez un étrange regard, Bouclier Rubis. »

Un éclair de folie brille en moi. Mais c’est d’une voix neutre de colère horrible que je parle.

Je suis mort.

« Je… vais vous tuer. »

« Oh, vraiment ? »

Je n’ai plus d’émotion. Ma raison de vivre est morte en même temps que moi.

A quoi bon toutes ces émotions ?

« Je vais… vous tuer… »

Les soldats se précipitent sur moi, mais avec une force surhumaine, je les repousse à une distance phénoménale. M’emparant d’une lame dans le processus, je m’avance vers Matery.

« …je vais vous détruire. »

« Enfin vous montrez votre vrai visage, Kent de Caelin. »

Loin de s’éloigner, il s’approche de moi, sans ciller. Pour la première fois, il a utilisé mon prénom.

« Un être fourbe, cruel, dépourvu de la moindre émotion. Un saint aux yeux des autres, un monstre au cœur du monde. »

Je ne démens pas. J’avance.

Je suis… mort.

« Aussi intelligent que dépourvu d’émotion. Aussi brillant que faux. »

La lame brille de noirceur devant la mort qui m’a dévoré.

Je suis… mort !

« Si votre ami n’était pas doté d’une telle bêtise, Kent… s’il ne vous donnait pas cette affection ridicule, dévouée à un cœur inexistant… s’il s’était rendu compte que vous n’étiez pas comme lui, mais comme moi, c'est-à-dire… trop au-dessus d’un monde pathétique avec ses croyances en des sentiments inutiles. Si le chevalier vert s’était rendu compte de cela… il serait encore en vie. Mais sa bêtise est… affligeante, n’est-ce pas ? Juste qu’à refuser de prendre l’épée… »

Sa bêtise est affligeante, n’est-ce pas ? Juste qu’à refuser de prendre l’épée…

… …

« J-je… n-nev-veux p-pas… détruire ! J-je… r-refuse de… p-prendre l’épée ! »

« Votre bêtise… est… affligeante. »

« Ah, vous pouvez parler, vous ! Vous êtes sérieusement blessé, vous vous obstinez à épuiser vos forces à me faire la morale, et vous dites que MA bêtise est affligeante, Kent ! »

« Imb-bécile… j-je ne suis p-pas comme v-vous, Saïn… m-moi, j-je suis s-sérieux

C’est… c’est l-la l-lance

que j-je ne v-voulais pas p-prendre. »

« Mais la lance, c’est plus héroïque ! »

« R-regardez-vous… v-vous êtes p-pathétiqueé-écervelét-têtu comme une m-mule… v-vous n-ne m’écoutez j-jamais… v-vous n’écoutez p-personne… à p-part v-votre c-cœurp-profondv-véritablea-ardentb-beau

U-un cœur… q-quelqu’un de… m-magnifique… »

Sa bêtise est… affligeante.

« Saïn… c’est p-parce que… »

« Stupide chevalier, taisez-vous ! Vous vous épuisez ! »

« …q-que vous voulez p-protéger, et p-pas détruire… n’est-ce p-pas ? »

Pourquoi, pourquoi sa bêtise est-elle… aussi affligeante ?

« B-bien que v-vous soyez d’une b-bêtise affligeante… et a-aussi v-volatile que l’air…

v-votre cœur est b-beau. A-alors, s’il vous p-plaît… »

S’il vous plaît…

« …donnez-moi un p-peu de la b-beauté de v-votre cœur… de la b-beauté de v-vos sentiments… m-moi qui s-suis… si f-froid… si v-vided-dans n-notre monde… s-sans un c-cœur c-comme l-le v-vôtre… »

Dessiner un monde avec son cœur…

« Ne pleurez pas… souriez… »

Je ne peux pas le voir pleurer…

Lui, si libre, si… lui.

Lui, qui a fait la bêtise de vivre…

« Votre bêtise est… affligeante, capitaine ! »

Oui…

« Pourtant… votre cœur… doit être très beau. Et moi… je voudrais être celui qui vous aime… et vous protège… »

Kentanan, c’est cela que tu voulais lui dire ?

Oui…

… …

… …

Celui qui vous aime…

Je suis là pour vous… et vous êtes là pour moi.

« Oui… sa bêtise est affligeante. »

L’Œil de Glace ne comprend pas mon ton. Il ne comprend pas ce que j’essaie de dire. Il ne comprend pas que, là-bas, au cœur même de la Porte du Graal, au cœur même de l’enfer que j’avais imaginé dans ma peur, une chanson d’une inaltérable beauté résonne.

Je m’avance vers le général, mais ce n’est pas pour transpercer son cœur de ma lame. Seulement pour prendre ma flûte avec laquelle j’accompagne la chanson de la liberté.

« Dans la mort ou dans la vie,

Vis.

Vis, mon ami.

Va ton chemin, crée ces flots en toi

Que tu sais si bien créer quand tu crois !

Sans mal penser, crée marées en toi

Dansantes de joie entre univers et toi ! »

« Kent, vous voulez jouer aux devinettes ? »

« Aux… devinettes ? »

« Je suis là pour vous et vous êtes là pour moi… Kent, vous vous rappelez ? »

« Je n’ai jamais oublié… »

« Mais ! Que… que faîtes-vous ! »

J’ai porté la flûte à mes lèvres, écoutant la chanson de la vie que m’offre un bien-aimé. Pourquoi ne l’entend-il pas, l’Œil de Glace ?

« C’est une seule danse

Et un seul geste au combat

Danse, mon ami.

Tisse la vie de l’être ordinaire

Tu as un pouvoir extraordinaire

Tisser la vie dans un rire

Tant aimer par un sourire ! »

« Je n’ai jamais oublié… ne serait-ce que parce que c’est vous qui avez inventé cette phrase, n’est-ce pas ? Ou peut-être l’avez-vous tiré de vos stupides livres de poésie ? »

« Que dites-vous là ! C’est MOI qui suis l’auteur de cette géniale expression ! Même si, je vous accorde… que c’est moitié grâce à vous que je l’ai trouvé. Et c’est pour cela…

que je vous donnerai la moitié de la devinette que je vous ai posée. Je vous donne la première chose dont j’ai le plus besoin au monde, mais c’est vous qui me direz la seconde. »

Le temps s’est arrêté.

J’entends sa chanson, il chante. Il chante pour moi. Il chante pour la vie qui vibre en nous, pour la vie qui jamais ne s’éteindra en nous.

Il chante pour notre communion qui traverse les âges.

Les autres croient qu’il y a un miracle, et s’arrêtent, sans pouvoir bouger. Mais moi je sais qu’il est là et qu’il attend ma réponse.

« Je crois en toi,

Et moi aussi je m’avance.

Voici mon toit,

Tout le courage de ma lance.

C’est là tout mon amour.

Toute ma lutte, dans toute ma sincérité.

Bien que je butte, si proche de la vérité…

Moi à mon tour je souris,

Et je suis alors si heureux

D’être avec toi… »

La porte du Graal s’ouvre…

La porte du paradis…

« La première chose dont j’ai le plus besoin, Kent, c’est… d’être moi-même. »

« Alors, c’est donc cela. Mais pourquoi… est-ce moi qui doive trouver la seconde chose dont vous avez le plus besoin au monde ? »

« Parce que… seul vous pouvez me la donner, Kent. Personne d’autre au monde ne peut me dire la réponse. »

La porte du paradis s’est ouverte. Elle s’est ouverte pour je lui donne enfin ma réponse.

La réponse à l’énigme de notre vie, à la plus grande devinette dont il m’avait offert la plus belles des questions et la plus prometteuses des réponses.

Mais aujourd’hui, c’est moi…

…qui lui offrirai ce dont moi seul pouvais donner la réponse.

« ‘De mon âme à ton âme’

Est ce qui nous frappe droit au cœur

Au combat la coupe est mon âme

Et l’amour la vie de mon cœur

Un champ éternel de fleurs

Où du tranchant des lames

Brille un monde sans rancœur. »

Je m’avance. La porte est ouverte. Je l’appelle.

« Saïn… »

Plus tard, j’appris de la bouche des hommes présents et de l’Empereur du Bakador lui-même qu’ils m’avaient vu parler dans le vide, et la porte s’ouvrir toute seule. Qu’ils m’avaient vu disparaître dans les ténèbres de l’endroit, et ressortir dans une lumière dorée en prenant mon compagnon dans les bras, puis réussir à rentrer avec lui jusqu’au château, en dépit de ma maladie, en dépit de tout.

Je leur ai dit après que j’avais simplement vu devant la porte des entités lumineuses qui me souriaient, et que je les avais suppliées de m’aider. J’avais demandé aux pierres, au vent, à l’univers de m’aider, et ils m’avaient… aidé.

« Sans faille la coupe de mon sabre

Approchant ton âme de la mienne

D’esprit à esprit…

Mais au cœur même de mon sabre

Une sont ton âme et la mienne

Et parce que parlent nos esprits

Notre combat n’aura nul prix ! »

Il chante encore, mais c’est la fin de la chanson. Enfin, enfin je peux lui dire.

« J’ai enfin… la réponse à… la deuxième partie de la devinette… »

Je m’approche, pour qu’il entende, enfin, la plus grande confession à la vie que je ferai.

« Seul vous pouvez me la donner, Kent. Personne d’autre au monde ne peut me dire la réponse. »

Je sais qu’il m’écoute…

« La seconde chose dont vous avez le plus besoin… c’est que moi aussi, je sois moi-même. Aussi, pour vous proclamer que maintenant, je suis et voudrai toujours être moi, je veux dire la vérité de toutes les plus belles vérités du monde, que je connais à présent. »

Il me semble que je suis parti dans les limbes de l’éternité. Des limbes à la couleur du paradis.

« Je vous aime, Lance Emeraude. »

Nous avons dessiné le paradis aux couleurs d’arc-en-ciel avec notre propre cœur…

Je suis là pour vous…

…et vous êtes là pour moi.

« Moi, Kentanan, le Bouclier Rubis, je vous aime. »


Epilogue : Le Cœur d’une Légende

On dit que les bourgeons qui éclosent renferment ce cadeau éternel de la vie qui ressemble tant à ce que nous appelons beauté. Quelque chose, qui annonce une aurore de lumière dans une nuit d’esprit où le cœur jamais ne cessa de murmurer l’éternité d’un soleil divin.

Mais vous, qui êtes venu même dans la nuit avec cette étincelle de lumière dans l’œil, pour m’offrir un peu de ce soleil qui brûle en vous, comment pourrais-je vous remercier sans voir les étoiles de ma propre âme ?

On raconte, bien sûr, dans les livres, qu’un jour eut lieu un miracle : deux chevaliers, le Rouge et le Vert, ouvrirent la Porte du Graal. On raconte que le Rouge demanda aux anges de lui donner un pont vers l’enfer, et qu’ils traversèrent ensemble le paradis. Le Rouge ramena son bien-aimé dans le monde des vivants, pour qu’ils puissent ensemble montrer que le paradis était en fait cette terre que nous regardions sans peur.

On raconte aussi que revenus au monde des vivants, ils vécurent en apportant la lumière divine de chaque jour qu’ils vécurent, perfectionnant leur art du combat en un art suprême de pacification harmonieuse. On raconte que tout en se vouant un amour sans fin, ils donnaient au monde une part infinie de cet amour sans fin.

On raconte que le Rouge devint un grand philosophe guerrier, à la sagesse aussi grande que son cœur. On raconte que le Vert devint un grand artiste guerrier, à la générosité aussi grande que sa passion. On raconte qu’ils firent tant de choses, dans le monde, qu’un livre ne pourrait résumer la légende des êtres qui vivaient pour la Vie et traversaient la mort pour y tisser la Vie.

La Légende du Rouge et du Vert.

Mais tout ceci n’est qu’une légende.

Car à présent, une nouvelle commence.

Et c’est celle que vous, à présent, nous raconterez avec votre propre histoire.

Une histoire faite de rouge et de vert.

 

FIN

Lord Ma-koto Chaoying

 

*

 

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