Ah ! Merci à Ma-Chan ! Je continue cette fic en grande partie pour toi, vu le manque de reviewers que nous avons… mais je tiens aussi à remercier ceux qui nous ont laissé un petit commentaire. Merci, merci !

 

Le Rouge et le Vert

By Lord Ma-koto Chaoying

 

Chapitre 5 : La légende de la Lance Emeraude

(Pierre stellaire.

Mont de la Prière.)

(Inscription)

« Un Bouclier et une Lance.

Une Lance et un Bouclier.

Solitaires et faits l’un pour l’autre,

Pour être le Combat Sacré du Monde

Où la Vie jaillit en fleurs.

Rouge, rouge comme le sang,

Mais le sang de la vie qui fait vivre les êtres…

…le Rubis.

Vert, vert comme les plantes,

Mais les plantes qui fleurissent dans les cœurs…

…l’Emeraude.

Le Rouge et le Vert…

Rubis et Emeraude…

Le Bouclier Rubis et la Lance Emeraude… »

(Suite illisible)

« Maître… »

« Ne dis rien. »

Froissement de robe.

« Comment ? Vous savez que… cela fait des siècles que la guerre ravage le pays du Bakador… »

« Bientôt, il est bientôt l’heure. »

« Parlez-vous de… de cette légende sur… sur les deux Chevaliers de la Sainte Armure de Cristal, qui – je cite l’écrit – « protégea le diamant de la vie » ? »

Un sourire.

« Qui sait… depuis si longtemps que deux moitiés sont séparées… il faudra un jour qu’elles se retrouvent… »

(Ville de Caelin.

Des années après…)

(Rêve ?)

« Dites, papa. Comment on fait ? »

« Quoi donc ? »

« J’veux devenir le plus grand chevalier du monde ! »

Un rire. Un son très beau !

« Entraîne-toi déjà d’abord. Tiens, prends cette épée, et affronte-moi. Ensuite, nous verrons si ton ambition est réalisable. »

Des pas qui frappent sur le sol d’impatience !

« Mais moi je veux devenir un vrai chevalier ! »

L’éclat des yeux, au visage invisible… pourquoi il est pas visible ? Pourquoi c’est pas possible de se rappeler c’est qui ?

« Que racontes-tu, fiston ! Entraîne-toi donc, et tu deviendras chevalier. Il faut que tu puisses battre tes ennemis ! »

« Nan ! Vous comprenez pas ! »

« Quoi donc ? »

Les yeux, ils brillent… une lumière… elle sort de moi ?

« Moi, je veux être un vrai chevalier. J’veux pas faire mal au monde. J’veux le protéger ! »

Un regard… un long regard… je vais… voir son visage ? Mon papa… il est comment ?

« Toi… tu… »

Le visage va apparaître… et…

« AHHH ! Aïe ! »

J’suis par terre ! Une… une gifle ! P-pourquoi… ! J’voulais pas…

« TU ES UN IMBECILE ! »

C’est quoi cette eau sur mes joues ?

« M-mais… j-je… »

J’arrête pas de pleurer ! Pourquoi il crie !

« TU CROIS QUE TU VAS ETRE UN CHEVALIER SI TU N'ES PAS CAPABLE DE TE BATTRE ET DE TUER ! TU CROIS QUE L’ENNEMI, IL NE VA PAS TE TUER ! C’EST COMME ÇA QUE TU SUIS CE QUE JE T’ENSEIGNE ! »

Je pleure… je sais… mais je voulais dire… mon cœur, il…

« TU N'ES PAS UNE FILLE, SAÏN ! »

Tu n’es pas une fille…

« Cesse de pleurer. Tout de suite. »

Je ne suis pas une fille…

« Un vrai chevalier prend son épée et combat son ennemi, pour l’empêcher de nuire. Prends ton épée. Et MAINTENANT. »

Je ne suis pas une fille…

« TU M’ENTENDS ! »

Je ne suis pas une fille… alors…

« J’veux la lance. »

« Quoi ! »

J-je veux être… un v-vrai… chevalier ! Je v-veux pas… p-prendre mon épée… non…

« Répète, veux-tu ! »

JE VEUX PAS PRENDRE MON EPEE !

« JE VEUX PRENDRE LA LANCE ! »

J-je… veux… être… un… v-vrai… chevalier…

Je ne veux pas… faire mal au monde… je veux… le…

Tu n’es pas une fille…

protéger. Je veux… protéger… le monde…

Je ne suis pas une fille…

Si j’étais une fille, j’aurais pas eu besoin de prendre mon épée ? J’aurais pu devenir un vrai chevalier ? J’aurais pu… protéger le monde et pas lui faire mal ?

Si je ne suis pas une fille…

ALORS JE LA TROUVERAI ! Parce que je veux pas prendre mon épée !

« Tu veux donc prendre la lance ? Dans ce cas… »

Le visage… papa… je vais le voir… c’est…

« … »

Mais alors, tu es…

(Retour à la réalité…)

Il se réveilla soudainement. La sueur trempait son front…

« …Zorphéas. »

Pourquoi ce nom lui était-il revenu ?

Zorphéas n’est pas mon père… pourquoi, alors…

« Pourquoi le vois-je… dans mon rêve ? »

Il s’assit sur le sol, jambes croisées.

« C’est… »

La sueur coule sur son front !

« …un cauchemar. »

Je n’en peux plus… j-e… n’en… p-peuxp-plus

Un poing frappa le sol. Furieux, le jeune chevalier vert cria.

« KENT ! Pourquoi… POURQUOI M’AVEZ-VOUS ABANDONNE ! VOUS AURIEZ DÛ ME FAIRE CONFIANCE ! »

Il s’était aperçu qu’il s’était levé, dans sa colère, une colère qui semblait ne jamais avoir de fin. Mais un rayon de lumière qui entrait un interstice disparut, et douloureusement, le jeune capitaine ferma les yeux, en arborant un sourire forcé à la nuit qui l’écoutait.

« Suis-je donc… si peu… si faible… que je ne mérite pas même de vous protéger ? »

Toujours les yeux fermés, mais sentant le regard de la lune, il souriait douloureusement, pour ne jamais pleurer.

« Regardez… regardez-moi, abruti de chevalier ; trop grand, trop noble... regardez ce qui m’arrive. Je commence à vous détester, vous que j’aime comme ma propre âme, parce que je ne peux vous oublier, parce que je me sens coupable, parce que… j’ai envie de me détester, en cette heure. Quelle part m’avez-vous laissé, vous qui ne cessez de parler de chevalerie ? Vous avez tout gardé pour vous ! Vous trichez… vous trichez. A moi, il ne me reste que les larmes… et aujourd’hui, vous n’êtes pas même là pour les recueillir en votre cœur… »

Ses yeux noisette si habituellement pétillants se fermèrent, et se rouvrirent, reflétant une lueur si triste que le monde entier sembla l’écouter.

« Si, pour le monde entier, un chevalier ne pleure pas… si, pour l’univers entier, les larmes n’existent que pour les faibles… alors, pour qui pourrais-je pleurer, si vous n’êtes pas là ? Moi aussi, je suis… »

je suis un chevalier !

Moi aussi, j’ai une promesse à honorer… un combat à accepter… une cause à servir.

« Quel combat… avez-vous choisi, Kent ? Serait-ce…»

Le jeune chevalier vert sourit tristement, alors que ses doigts caressèrent la lance – la lance verte.

« …seulement l’ombre du chevalier que vous avez choisie, m’y laissant seul dedans ? »

Des larmes jaillirent de ses yeux, des larmes jamais retenues.

« Vous aviez juré que j’étais là pour vous et que vous étiez là pour moi ! »

Je suis là pour vous et vous êtes là pour moi…

Kent, vous l’avez oublié. Alors que les années ont passés pour que mûrisse la perception du Combat en nous, vous avez oublié la chanson de votre propre cœur. Vous aviez voulu être le Bouclier Rouge qui protège de son sang le cœur, mais vous aviez oublié que la Lance Verte qui empêche le sang de couler et la vie de dépérir.

Vous aviez oublié que j’étais là pour vous !

« Je sais… ce qu’il me reste à faire… »

Il savait ce qu’il risquait. Mais pour la première fois depuis longtemps – depuis très longtemps –, prendre le plus risque qui soit l’excitait tant et tant qu’il se sentait vivre.

« Tenez-vous bien, Bouclier Rouge ! Moi, la lééééééégendaire Lance Verte, admiré par toutes les filles et le monde entier, arriiiiiiive ! En personne, le grand et beaaaaaaau Saïn débarque ! »

Il était fort dommage qu’il dût partir discrètement. Une action digne de son légendaaaaaire héroïsme qui n’impressionnerait même pas sa foule d’admiratrices ! Ah, comme le monde et injuste.

…les filles.

Enfin… enfin il pourrait admirer leur beauté, la beauté de leur âme de guerrières protectrices, sans jamais plus être tourmenté. Il pourrait les quitter, les revoir, savoir que lui aussi, il était un chevalier gardien.

Gardien d’un Bouclier Rouge…

« Kent, j’espère que vous avez trouvé la deuxième partie de ma devinette ! Car si vous me dites encore que c’est une fille dont j’ai besoin, je crois que je ne pourrais pas le supporter ! »

Le jeune chevalier vert rit joyeusement, chargeant son sac sur l’épaule, en emportant pour seule arme, sa fidèle lance de couleur émeraude.

…pas d’épée ?

Saïn rit encore.

Après tout, on ne se refait pas…

Discrètement, il harnacha son cheval, avant de le mener doucement vers la sortie du camp.

…et vous savez que je ne me referais pas, mon… très cher. Je suis un chevalier, mais je ne peux plus me contenter de détruire le monde. Je ne… prendrai pas mon épée. Et vous savez pourquoi, stupide chevalier.

La porte s’ouvrit. La Lance Verte disparaissait lentement, sous le clair de lune, à la recherche d’un Bouclier Rouge, sa seconde moitié, trop longtemps oubliée.

(Flash-back)

« Bon sang… est-il possible que vous me disiez… QUAND allez-vous m’écouter ! »

« Hum… désirez-vous vraiment que je vous le dise, mon cher Kent ? »

Considérant la chose, après avoir haussé les sourcils, le Bouclier Rouge referma la boîte d’outils en soupirant longuement.

« Réflexion faite, je préfère que vous ne me le disiez pas. »

C’était le moment d’en rajouter.

« Vous préférez donc que je ne vous dise pas que je vous écouterai lorsque les poules auront des dents ? »

Un éclat de lumière du soleil, dans ces yeux cuivre si sérieux et pourtant si protecteurs.

« Méfiez-vous, Saïn. Il se pourrait bien qu’un jour, les poules aient des dents avec moi. »

Son humour froid… ses tendances protectrices… qu’il est incroyable, tout de même. Il est… incroyable.

« Vous m’avez entendu, Saïn ? »

A entendre son ton, il est bien possible que les poules aient des dents un jour et que je me mette à l’écouter. Ah, non ! Pas de ça. Je dois préserver ma réputation de chevalier indompté.

« Vous disiez, mon cher Kent ? Je n’ai pas écouté… »

Lorsque son teint prend la couleur de son armure, et que des étincelles apparaissent dans ses magnifiques yeux cuivre – mais où a-t-il pêché cette couleur ? –, c’est que je marque un point.

« Ca-pi-tai-ne Saïn… »

Oh-ho, par contre, là, ça ne s’annonce pas bien pour moi…

« Oui, commandant Kent ? »

« Si vous continuez ainsi… je vais vous donner l’ordre de m’écouter. »

Je sens mes yeux sortir de leur orbite.

« Vous… vous n’oseriez pas ! »

Kent ne sourit pas beaucoup. Mais lorsqu’en plus, une étincelle malicieuse se mêle à la couleur cuivre de ses yeux, c’est qu’il y a grand danger pour moi.

« Si. Je vous ordonne de m’écouter. Voilà. »

Qu’est-ce que je disais.

« … »

« Capitaine, m’avez-vous entendu ? »

« … »

Après tout, il ne m’a pas ordonné de lui répondre…

« Capitaine, je vous ordonne de me répondre. »

Je déteste ces différences de grade.

« Hum. »

« Alors ? »

Le cuivre de ses yeux perce mon regard, alors que sa voix se fait plus métallique encore. Assez insolemment, je lâche.

« Commandant, je vous ai obéi. Je viens de vous répondre. »

« Vous appelez ça une réponse, capitaine ! »

Nous nous mesurons du regard, avant... d’éclater de rire, sans plus pouvoir nous arrêter. Vous ai-je déjà dit que Kent souriait peu, et ne riait jamais ? Pourtant, si vous l’entendiez rire, vous auriez envie d’être heureux, simplement heureux. Son rire est magnifique, et son sourire d’une rareté qui vous brise le cœur lorsqu’il vous montre sa beauté, le fond de son âme toujours noble, toujours pur.

…je sens sa main dans mes cheveux.

Je porte un regard interrogateur sur lui. C’est aussi tellement rare, lorsqu’il offre un geste d’affection de lui-même, comme simplement ébouriffer les cheveux…

Tout ce qui est rare chez lui…

…est beau.

« Kent ! Vous allez défaire ma légendaaaaaaaaire coiffure magnifique qui fait craquer les filles ! »

Il rit encore, mais déjà son regard est grave. Chaque fois que je verrais ces yeux cuivre en moi, je verrais leur grave solennité me dire de ne jamais mourir.

« Saïn, j’ai peur pour vous. Pourquoi ne voulez-vous pas me dire… pourquoi ? »

« Pourquoi je ne veux pas m’entraîner à l’épée ? »

Ma voix a parlé d’elle-même !

« Oui, Saïn. Je suis là pour vous et vous êtes là pour moi. Alors, pourquoi… pourquoi, mon frère d’arme, ne voulez-vous pas me le dire ? »

Je le regarde. L’espace d’un instant, d’un instant éternel, sa gravité vit dans mon regard. Et la douceur vibre dans ma voix…

« Kent, vous savez qu’à vous – et à vous seul – je ne veux rien vous refuser, je ne peux rien refuser. L’ignoreriez-vous ? »

Son regard semble si triste…

…si beau.

Ses yeux cuivre merveilleux, à l’expression si grave !

« Alors, pourquoi… pourquoi ne vouliez-vous pas me dire cela ? »

D’un mouvement rapide, j’attrape sa main. Il cligne des yeux, mais ne fait rien pour retirer sa main. Bien au contraire, ses doigts se referment sur les miens, signe d’une affection éternelle.

« Parce que, mon frère d’arme, ce n’est pas au commandant Kent que je donne mon cœur sans hésiter. C’est à Kent. Et à Kent seul. »

Les étoiles ne mourront pas avant que la lumière qui les fait briller nous réunisse…

…il a encore souri !

« Vous… »

Son sourire reflète la lumière du monde !

« Je… »

Ses yeux se sont fermés. Jamais, jamais plus, il ne s’empêchera de sourire, c’est que prononce mon cœur comme hommage à la lumière qui nous a fait vivre, l’un et l’autre, solitaires, ensemble.

« Je suis là pour vous et vous êtes là pour moi… n’est-ce pas ? »

Je sais qu’il a raison…

« Kent. »

Ses doigts enserrent ma main alors que je prononce son nom d’une voix grave.

« La raison pour laquelle je ne veux pas prendre mon épée… est que… »

Il a emporté mon cœur dans l’Offrande de la Vie !

(Retour à la réalité…)

(Bureau de l’armée de Caelin…)

« Est-ce… la vérité ? »

Acquiescement du soldat.

« Oui, mon général. Le capitaine Saïn… n’est plus présent dans son logement. »

Les yeux de glace ne cillèrent pas.

« Son cheval et ses armes ont-ils disparu également ? Ou les a-t-il laissés dans le camp ? »

« Eh bien… »

Le soldat eut l’air légèrement décontenancé.

« Son cheval a disparu. Mais, parmi ses armes… seule sa fameuse lance a disparu. »

Si en ce monde il avait été possible d’interpréter le mouvement des lèvres du général, on se fût probablement hasardé à appeler cela un sourire.

« Bien entendu… la Lance Verte. »

Le soldat ne comprit pas l’expression du regard de son supérieur. L’instant d’après, elle avait disparu. Il se hasarda à demander.

« Général… devons-nous rechercher le capitaine Saïn ? Puis le ramener ? »

« Faite-le suivre, mais ne vous hasardez pas à tenter de le ramener, à moins que vous ne teniez guère à votre vie. Je veux que vous le fassiez surveiller sans vous faire remarquer. »

« Mais, général Matery… le châtiment d’un déserteur… »

« …est la mort. Cependant, faites ce que je vous dis. Exécution. »

« … »

« Vous pouvez disposer. »

Désorienté, le soldat quitta la place.

Resté seul dans son bureau, l’Œil de Glace demeura immobile, en apparence impassible. Mais une lueur dans les yeux bleu froid trahissait un immense contentement. Enfin, enfin, son plan allait pouvoir fonctionner…

« Matery… quel nom ridicule. Enfin, ce n’est jamais qu’un nom d’emprunt… »

Un rire monta dans l’atmosphère glacée.

« …pour le dernier descendant du tout-puissant clan du Bakador, capable de contrôler les pouvoirs des Diamants Guerriers... »

L’Œil de Glace eut un autre éclat de rire, encore plus inquiétant.

« Capitaine Saïn… vous êtes tellement prévisible. Mais si stupide, aussi. Depuis tout ce temps… n’avez-vous donc jamais compris le sens de votre nom et de celui de votre ami ? N’avez-vous donc jamais compris pourquoi cet imbécile de Zorphéas a choisi de vous donner ce nom ? N’avez-vous jamais compris… pourquoi les soldats vous haïssaient, vous et votre ami ? Pourquoi ils vous ont toujours, dès votre plus tendre enfance, évités et rejetés ? »

Il parcouru du regard le paysage, où, loin, très loin, était parti la Lance Verte.

« Vous êtes incroyable, capitaine Saïn… de n’avoir compris rien à rien. Vous, la Lance Verte… ou plutôt devrais-je dire, l’héritier du pouvoir de la légendaire Lance Emeraude ? »

Un bref rire.

« Mais je dois concéder, que les choses ont pu être difficiles à comprendre, puisque les deux derniers héritiers… étaient des héritières. Bien qu’elles s’aimaient, elles ont accepté de donner naissance à des descendants… Zorphéas n’était pas bête, n’est-ce pas ? KentananSaïnatan…"

Ses yeux de glace étincelèrent d’une passion étrange.

« Votre pouvoir sera bientôt mien. Car c’est…»

La fin de la phrase tomba comme une sentence.

« …c’est le Maître du Clan des Bakadors, empereur des Diamants Guerriers, qui parle. »

Loin, très loin, la Lance Verte parcourait son chemin, sans soupçonner quoique ce soit…

(Suite flash-back de Saïn…)

« A-alors… c’est d-donc cela. »

Son souffle est bruyant, sa voix rauque. Inquiet, je tends ma main vers le sang qui coule de sa bouche, le sang qu’il crache, mais il arrête mon geste, en attrapant doucement les doigts qui voulaient le soulager d’un trop grand fardeau.

« Kent ! Ne faites pas l’imbécile… votre blessure… une hémorragie interne… »

Autoritaire, il me coupe.

« V-voici donc la r-raison… pour laquelle… v-vous refusez de p-prendre l’épée… »

Tendrement, il caresse les doigts qu’il a saisis du bout des siens. Je voudrais tant qu’il cesse de parler et trouve du repos… un repos qu’il a toujours tant refusé sans moi…

« Taisez-vous ! Vous… vous êtes blessé ! »

Le Bouclier Rouge est rouge du sang qu’il a versé pour ce qu’il protège !

« S-saïn… c’est p-parce que… »

« Stupide chevalier, taisez-vous ! Vous vous épuisez ! »

« …q-que vous voulez p-protéger, et p-pas détruire… n’est-ce p-pas ? »

Il tousse, il crache le sang. Je voudrais qu’il s’allonge, mais il s’obstine à agripper ma main.

« Qu’importe… » Je murmure.

Ses doigts étreignent plus fort mes mains, alors qu’il tente de parler !

« M-moi aussi… j-je n-ne… voulais… p-pas… »

Arrêtez de cracher du sang, s’il vous plaît… cessez de parler…

« Quoi donc, Kent ? Vous ne vouliez pas… pas quoi ? »

« L-la… p-pren-dre… »

Sa main se lève…

« ………….l’épée ? »

Un merveilleux sourire naît d’un visage, qui jamais, jamais, n’a souri autrement que pour aimer. Une douceur immense envahit les yeux cuivre, qui n’exprimeront jamais plus ce pour quoi ils sont faits, et dont le secret bat dans le plus grand mystère de mon cœur. Il…

…il touche mon visage de ses doigts !

« Imb-bécile… j-je ne suis p-pas comme v-vous, Saïn… m-moi, j-je suis s-sérieux… c’est… »

Il rit, d’un rire dont je ne comprendrais jamais les larmes ailleurs qu’en mon cœur, des larmes qui jaillissent de mes yeux alors qu’il caresse doucement leur commissure.

« C-c’est l-la l-lance… »

Il ferme les yeux, et sourit une dernière fois, une toute dernière.

« …que j-je ne v-voulais pas p-prendre. »

Je le fixe, les yeux brouillés de larmes, en riant de douleur, alors que je m’écris.

« Mais la lance, c’est plus héroïque ! »

Il rit lui aussi, avant de tousser violemment.

« V-votre bêtise est a-affligeante… »

Je continue à rire nerveusement.

« Ah, vous pouvez parler, vous ! Vous êtes sérieusement blessé, vous vous obstinez à épuiser vos forces à me faire la morale, et vous dites que MA bêtise est affligeante, Kent ! »

Ses doigts touchent mon visage, comme s’ils voulaient toucher la vie qui brille dans l’émotion que je lui offre.

« V-vous avez r-raison… j-je suis t-totalement st-tupide… »

Ah, quand même !

« …de m’épuiser à f-faire la morale à q-quelqu’un d’aus-si s-stupide que v-vous, S-saïn… »

Je manque de bondir jusqu’au ciel. Oh, le… !

« Mééééééééééééééé ! »

Il tente de secouer la tête ironiquement, en posant sur moi ses yeux cuivre mélangeant douceur et dérision.

« R-regardez-vous… v-vous êtes p-pathétiqueé-écervelét-têtu comme une m-mule… v-vous n-ne m’écoutez j-jamais… v-vous n’écoutez p-personne… à p-part v-votre c-cœurp-profondv-véritablea-ardentb-beau… »

Ai-je rêvé… où a-t-il appelé mon cœur… beau ?

…ses bras m’attirent vers lui ! Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, alors que ma respiration s’accélère violemment au contact de ces yeux qui semblent vouloir embrasser mon âme, et de ces mains splendides qui veulent toucher mon visage.

« U-un cœur… q-quelqu’un de… m-magnifique… »

Il m’a appelé magnifique !

Je voudrais étouffer une larme, mais je ne comprends pas pourquoi elles coulent comme un flot que l’on ne peut arrêter… pourquoi n’arrive-je pas à parler !

« A-alors, S-saïn… v-vous ne m’avez t-toujours pas d-ditq-qui était la f-fille que v-vous aimiez… »

Stupide, stupide Kent !

« …c-celle d-dont vous m’aviez p-parlé il y a b-bien longtemps… »

« Laquelle ! »

Il rit encore.

« J-je vois que v-vous êtes t-toujoursa-aussi f-fidèle aux f-femmes… »

Stupide, stupide Kent ! Est-ce qu’il est si aveugle ! Pourquoi n’a-t-il jamais compris ce qui m’attirait chez les femmes, et… ce que lui, lui seul, a d’unique qui parle droit à mon cœur ! S’il n’avait pas été aussi mal, je l’aurais secoué de toutes les forces.

« B-bien que v-vous soyez d’une b-bêtise affligeante… et a-aussi v-volatile que l’air… »

Il cherche ma main, et doucement, la pose sur son propre cœur.

« …v-votre cœur est b-beau. A-alors, s’il vous p-plaît… »

Ses yeux cuivre s’ouvrent, si tristes, avec une lueur désespérée que je ne lui ai jamais vue.

« …donnez-moi un p-peu de la b-beauté de v-votre cœur… de la b-beauté de v-vos sentiments… m-moi qui s-suis… si f-froid… si v-vided-dans n-notre monde… s-sans un c-cœur c-comme l-le v-vôtre… »

Son regard est désespéré ! Kent, le Bouclier Rouge, le chevalier si protecteur, celui dit parfait, désespéré ! Cette vision me brise le cœur.

« S-si j’avais p-pu v-vivre… et n-non pas d-devoir mourir, c-comme un chevalier… c’est c-ce que j-je voudrais… p-pour vivre… »

Il m’a brisé le cœur… lui, si fort devant les autres, à moi il… il a même offert sa faiblesse ?

« Kent, votre bêtise dépasse tout ce que j’ai pu voir. Y compris la mienne. »

Il cligne des yeux, alors que je continue, ma voix brisée par l’émotion.

« Je suis là pour vous… et vous êtes là pour moi. Avez-vous oublié ? »

Je me mets à rire, comme si c’était très drôle.

« Vous qui connaissez mes vers par cœur, vous avez oublié… celui qui nous était dédié ? Le seul… véritable ? »

Il me regarde, et l’espace de cet instant, son regard est indescriptible. Le cuivre de ces yeux touche mon cœur qui tremble devant la vérité qu’il attendait si longtemps…

Je voudrais lui dire, tout lui dire. Cesser ces comédies, pour lui montrer la scène de mon cœur sans rideau pour cacher la vérité d’une très grande histoire.

…ses mains se desserrent involontairement.

« Kent ? »

…son regard…s’évanouit. La vie part de ses yeux, de ces yeux cuivre merveilleux…

Il va… il va… non ! NON !

« KENT ! »

Au son de ma voix, ses yeux se rouvrent, et le cuivre qui les habite ne portera jamais plus que la profondeur de sa propre vie, qui a rencontré mon cœur.

« N-ne pleurez p-pass-souriez… »

« Vous êtes en train de mourir et VOUS VOULEZ QUE JE SOURIE ! VOUS VOUS SENTEZ BIEN, KENT ! A PART QUE VOUS ÊTES EN TRAIN DE MOURIR ! »

Il cueille une de mes larmes, et la goûte. Son propre sang s’est mêlé au sang de mon cœur qui jadis, avait tant souffert loin de lui. Maintenant, notre sang…

« …n-notre sang… est un. M-maintenant… »

Je voudrais que le Bouclier Rouge cesse de cracher du sang !

« J-je… suis un v-vrai chevalier… p-parce que… »

Convulsivement, je le serre, mais je sens son cœur battre en unisson avec le mien alors je caresse doucement ses cheveux roux.

« Si vous me dites que c’est parce que vous avez protégé le monde au lieu de le détruire, je vous tue, Kent ! »

« C’-c’est un p-peu tard, ne c-royez-vous pas ? »

Et il se croit drôle !

« N-non, c-ce n’est p-pas cela… j-je suis un v-vrai chevalier… »

Comme une étoile qui jaillit dans le ciel, un merveilleux sourire naît de son visage, où un léger clin d’œil qu’il m’offre me brise le cœur.

«… parce que je vous ai protégé. »

Avoir un Kent comme frère d’arme, c’est bon pour le cœur.

…il a fermé ses yeux merveilleux, en serrant ma main. Doucement, très doucement, je le prends pour l’amener à un endroit où il pourra se reposer, où je pourrais le protéger.

Car moi aussi, je suis un chevalier.

(Retour à la réalité…

Endroit ?)

Où… où suis-je ? Le soleil brille à l’aube… je ne reconnais pas ce paysage… un château se dresse au loin ? Que c’est…sinistre. Ce château n’a pas la couleur argentée des rayons de lumière qui caressent les pierres grises. Quelque chose de noir, de terrifiant, enveloppe ce lieu. J’ai froid dans le dos…

« Tout doux, tout doux, mon cheval ! »

Lui aussi, il a senti cela… je pose ma main sur l’encolure, mais tous les deux, nous sentons la même chose. Il y a quelque chose de dangereux là-bas…

Pourtant, quelque chose me dit qu’il faut continuer… que je ne suis plus très loin d’un événement déterminant. Alors, pourquoi… pourquoi ai-je ce sentiment d’anxiété ? Ce n’est pas logique !

Ma longue cape vert émeraude ne joue plus avec le vent. On dirait qu’il s’est tu, qu’il s’est arrêté, nous parlant de ce même quelque chose à la fois déterminant, terrible, et si attendu. En partant, j’ai troqué mon habituelle armure verte pour quelque chose de bien plus léger et résistant au froid ; de longs habits vert sombre, orné d’une cape émeraude… je n’ai pas pu renoncer à la couleur dont j’ai tant porté l’emblème.

Mais aujourd’hui, le vent s’est tu… quelque chose ne va pas. Je descends à terre, laissant mon cheval se reposer…

…je suis nerveux. Qu’est-ce qui ne va pas ? J’ai un mauvais pressentiment…

…un air sort doucement de mes lèvres… une chanson qui vit dans mon cœur !

« Dans la mort ou dans la vie,

Vis.

Vis, mon ami.

Va ton chemin, crée ces flots en toi

Que tu sais si bien créer quand tu crois !

Sans mal penser, crée marées en toi

Dansantes de joie entre univers et toi ! »

Je n’ai pas chanté depuis des années ! Pourquoi dois-je me rappeler de cette chanson, maintenant, juste maintenant ?

L’air sort de mes lèvres !

« C’est une seule danse

Et un seul geste au combat

C’est la chanson de ma lance

Et notre cœur qui ensemble bat.

Entends cette Danse, mon ami.

Tisse la vie de l’être ordinaire

Tu as un pouvoir extraordinaire

Tisser la vie dans un rire

Tant aimer par un sourire !

Je crois en toi,

Et moi aussi je m’avance.

Voici mon toit,

Tout le courage de ma lance.

C’est là tout mon amour.

Toute ma lutte, dans toute ma sincérité.

Bien que je butte, si proche de la vérité…

Moi à mon tour je souris,

Et je suis alors si heureux

D’être avec toi… »

Kent, avez-vous oublié notre promesse ? Vous qui me l’aviez jadis rappelé dans cette chanson… avez-vous oublié ?

Le soleil illumina un reflet de sang au dessus de la falaise. Etait-ce… !

« Vous… est-ce… vous ! »

Voilà qu’une vision apparaît devant moi et que cette vision est d’un homme que je connais si bien !

Mais est-ce que je le connais vraiment ? Il y a quelque chose de différent dans son allure. Une longue cape rouge lui donne un air de noble, tandis que l’épée rangée dans son fourreau rappelle le chevaleresque qui l’a toujours accompagné. Plus l’armure rouge que je lui connais si bien, mais ses splendides vêtements entièrement rouge et or lui donnent une superbe qui me laisse sans voix, tant sa majesté est grande et profonde.

J’ai tant du mal à le reconnaître. Ses cheveux roux ont tant poussé qu’ils tombent sur ses épaules, dansant en harmonie avec le vent. Mais je reconnais ses yeux, ces yeux magnifiquement nobles à la couleur cuivre toujours grave, toujours protecteurs.

Kent est devant et pourtant je n’arrive pas à courir vers lui !

« Vous… est-ce donc vous ? »

Sa voix n’a jamais changé…

…je n’arrive pas à parler. Ma gorge est serrée, trop serrée. Mes larmes veulent jaillir, mais j’ai déjà tant pleuré qu’il ne serait pas raisonnable d’encore le faire. A grand-peine, je fais un tout petit mouvement de tête, pour acquiescer.

« Parfait. Puisque vous êtes venu… alors… »

Tout à coup, une lueur métallique s’allume dans les yeux cuivre, une lueur que je ne connais pas.

« …enfin nous pourrons nous battre, Lance Verte. »

Quoi !

Incrédule, je le regarde, pour voir s’il plaisante, mais il ne plaisante pas.

« Vous plaisantez, Kent ! »

Jamais, moins que jamais, le Bouclier Rouge n’a envie de rire, et pour la première fois, même ma présence n’y peut rien.

« En garde, Lance Verte. »

Il a dégainé son épée ! D’un mouvement rapide, j’ai esquivé à grand-peine le tranchant de la lame. Sans pouvoir le croire, je le regarde, incrédule, mais la couleur froide des yeux cuivre me brise le cœur.

« Kent, que vous arrive-t-il ! Arrêtez ! »

La lueur métallique a remplacé le soleil protecteur de ses yeux cuivre ! Froide, la voix s’élève, telle une condamnation…

« Ceci était un avertissement. Si vous ne dégainez pas votre arme, je vous tuerai sans pitié, Lance Verte. »

Mon cœur...

…se brise…

…Kent…

Vous n’avez pas répondu à la deuxième partie de ma devinette !

 

A suivre…

*

 

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